Pour préserver son cœur et ses artères, mieux vaut se mettre au vert. La littérature scientifique évoquant les risques de la pollution aérienne pour la santé cardiovasculaire est prolifique. Plusieurs études, présentées au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) qui se tient à Londres (Royaume-Uni) du 29 août au 2 septembre, enfoncent le clou. Elles abordent aussi le rôle du climat sur les événements tels que les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et les infarctus du myocarde. Pourquoidocteur fait le point sur les principaux éléments.
Attention au froid
Le climat tempéré – ni trop chaud, ni trop froid – semble idéal pour le cœur. D’après une étude menée sur l’île de Taïwan, auprès de 290 000 personnes, l’automne et l’hiver sont associés à un pic d’incidence et de mortalité par infarctus du myocarde, AVC ou insuffisance cardiaque congestive. Par rapport à la saison estivale, le risque est accru de 10 % au printemps et de 19 % en hiver. Un lien qui pourrait s’expliquer, selon les auteurs, par l’activité de deux marqueurs de coagulation sanguine : le fibrinogène et le facteur coagulant VII.
« L’élévation et l’activation de ces facteurs de coagulation peuvent aboutir à un état propice à la coagulation dans un climat froid, ce qui peut favoriser la formation de caillots sanguins dans l’atrium gauche (ou oreillette, ndlr) et augmente le risque de fibrillation atriale », explique le Dr Tze-Fan Chao, cardiologue et co-auteur de l’étude. D’après lui, le froid doit recevoir une plus grande attention de la part de ses confrères.
Météo et pollution : deux éléments étroitement liés
Il faut dire que pollution et météo sont étroitement liées. Des travaux polonais, également présentés à l’ESC, le confirment. L’équipe du Centre pour les maladies cardiaques de Silésie a suivi 2 390 patients admis pour syndrome coronarien aigu sans élévation du segment-ST entre 2006 et 2012, et mesuré les concentrations aériennes des polluants les plus courants (dioxyde de soufre, oxyde d’azote, monoxyde de carbone, ozone, particules fines) sur la même période.
Les jours les plus chauds, ensoleillés, secs et venteux sont ceux où les hôpitaux admettent le plus de patients à haut risque d’infarctus, d’hémorragie et avec une plus faible fraction d’éjection, paramètre qui montre une réduction de la force de contraction du ventricule gauche. Ces jours se distinguent par une forte concentration de monoxyde de carbone et d’ozone dans l’air. « C’étaient les patients les plus malades, précise Aneta Cislak, qui présente l’étude. Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que leurs organes sont plus sensibles aux changements météorologiques, ce qui entraîne une décompensation. »
A l’inverse, la mortalité de ces mêmes patients, à l’hôpital et à un mois, est plus élevée au cours des jours froids, plus ensoleillés et moins venteux.
Dès le plus jeune âge
Mauvaise nouvelle pour les habitants de la région parisienne, du sillon rhodanien ou de la vallée de Chamonix, régulièrement touchés par des épisodes de pollution, les conséquences se ressentent très tôt… avant même 25 ans. Des étudiants en médecine ont participé à une étude comparant l’état de santé des jeunes adultes à Cracovie et à Lublin, deux villes situées en Pologne.
A Cracovie, deux fois plus polluée que Lublin, les étudiants présentent de plus hauts niveaux de marqueurs sanguins d’inflammation – qui sont également des indicateurs précoces de maladie cardiovasculaire. Les volontaires en surpoids sont les plus touchés.
« Cela peut suggérer que ces jeunes adultes sont à plus haut risque de crise cardiaque à l’avenir, puisque le processus inflammatoire est déjà entamé, analyse le Dr Krzysztof Bryniarski. Nous avons montré que vivre dans une ville très polluée peut avoir un impact sur les marqueurs de risque cardiovasculaires, même à un jeune âge. Cela peut se produire à travers une inflammation chronique de faible ampleur. »
Même dans les seuils de sûreté
L’association pollution-risque cardiovasculaire existe même en deçà des seuils de risque, alerte une étude belge. Entre 2009 et 2013, 11 400 hospitalisations pour infarctus du myocarde avec élévation du segment-ST (STEMI) ont été enregistrées par les auteurs de l’étude. Sur la même période, les niveaux de pollution restaient dans les seuils recommandés par l’Union Européenne. Mais une augmentation de 10 μg/m3 d’air de particules fines (2,5 micromètres de diamètre) accroît le risque de crise cardiaque de 2,8 %. Une hausse qui grimpe à 5,1 % lorsque le dioxyde d’azote progresse dans les mêmes proportions.
« En plus des conséquences à long terme, des recherches plus récentes suggèrent qu’une exposition aiguë à la pollution aérienne peut déclencher certains événements cardiovasculaires tels que les AVC, les insuffisances cardiaques et les infarctus du myocarde, détaille le Dr Jean-François Argacha, co-auteur de l’étude. Cette association entre le STEMI et la pollution de l’air s’observe après une journée d’exposition, en dépit du fait que les concentrations de polluants aériens se situent dans les standards de la qualité de l’air en Europe. »