Dans un manifeste publié la semaine dernière, 30 médecins, philosophes et personnalités engagées, rappellent au laboratoire Servier et à la profession médicale leurs obligations légales et morales. Signé par près de 6 000 personnes, le texte circule largement sur le Net.
Côté griefs, ce gratin du monde de la santé reproche par exemple à l'industriel de déclarer devant les micros vouloir indemniser les victimes du médicament Mediator, et de mener en parallèle « une guérilla juridique qui désespère les malades, dont certains sont mourants. Dans le même temps, certains médecins poursuivent leurs partenariats institutionnels avec Servier, malgré les éléments graves qui pèsent sur cette entreprise et son comportement inacceptable », écrivent-ils.
Servier dément les accusations
De leur côté, les laboratoires Servier ont répliqué, il y a quelques jours, par un communiqué de presse. Ils réfutent les accusations portées à leur encontre, insinuant qu’ils ne tiendraient pas leurs engagements d’indemniser les patients et auraient eu à leur égard un comportement contraire à l’éthique. « Contrairement à ce qui est diffusé sur internet et repris dans quelques articles de presse, les Laboratoires Servier continuent de traiter avec attention et respect pour les patients, tous les dossiers qui leur sont présentés par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) », affirme le laboratoire.
Il indique qu'à ce jour, 5 350 dossiers ont été étudiés par les experts de l’ONIAM. Et que sur les 1 300 dossiers retenus par ces experts et transmis à Servier pour indemnisation, seuls 8 cas n’ont pas reçu pour le moment d’offre d’indemnisation : « Deux en raison d’un retard de traitement dû à l’afflux de dossiers en juin, 4 autres parce qu’ils avaient précédemment reçu un avis de rejet de l’ONIAM, et enfin 2 autres pour lesquels une expertise en présence du patient a été demandée », précise-t-il.
10 dossiers d'indemnisation rejetés par Servier
Contacté par Pourquoidocteur, Erik Rance, directeur de l'ONIAM, confirme tout d'abord ce taux d'indemnisation des demandes de 33 %, mais il réactualise les chiffres donnés par Servier. « Fin juillet, sur les 1 580 dossiers qui ont fait l'objet d'un avis concluant à la nécessité d'une indeminisation, 10 ont fait l'objet d'une demande de substitution. Cela veut dire que la victime n'a pas reçu d'offre d'indemnisation (ou une offre insuffisante) de la part de Servier dans les trois mois suivant la décision du collège d'experts », rappelle-t-il.
Dans ce cas, l'ONIAM a l'obligation de se substituer en lieu et place de Servier. « Nous le faisons et nous nous retournons ensuite en justice contre Servier pour récupérer les sommes, celles-ci peuvent être assorties d'une pénalité de 30 %. Les motifs du rejet sont ceux annoncés dans le communiqué de presse de Servier », confirme Erik Rance. Un changement « soudain » de politique qui a commencé au printemps dernier, selon lui.
Précision importante d'après le responsable de l'ONIAM, « pour 4 dossiers, Servier rejette l'indemnisation de la prise en charge de la tierce personne dont certaines victimes très affectées ont besoin jusqu'à plusieurs heures par jour. Le laboratoire demande des expertises plus poussées, révèle-t-il. Ce dispositif ne fait pourtant pas partie de la procédure d'indemnisation puisque le collège d'experts juge les demandes de prise en charge de la tierce personnes avec suffisamment d'éléments à chaque fois », soutient-il.
L'ONIAM a commencé les substitutions
Côté financier, Erik Rance indique que l'ONIAM s'est substitué pour le moment à Servier sur les plus petits montants (de 2 000 à 10 000 euros). Pour les autres dossiers plus importants (jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'euros), l'Office doit faire un travail de chiffrage plus approfondi.
Le directeur de l'ONIAM conclut en tendant une perche à Servier : « On espère toujours pouvoir trouver un accord à l'amiable avec le laboratoire, faire intervenir la justice n'est pas forcément nécessaire ».