Pour 100 petites filles, il naît habituellement 105 garçons. C’est ainsi que se répartissent naturellement les naissances dans l’espèce humaine. Ce « sex-ratio » est notamment garant des capacités de reproduction et donc du maintien de l’espèce. Mais s’il s’est maintenu bon gré mal gré depuis l’apparition de l’homme sur la Terre, il semble que depuis une trentaine d’années, différents facteurs – culturels, économiques et politiques – aient contribué à déstabiliser durablement l’équilibre naturel entre les sexes. A tel point qu’aujourd’hui, « la population mondiale manque de petites filles » peut-on lire dans le quotidien La Croix, qui relaie un important travail de synthèse réalisé par Christophe Guilmoto, chercheur à l’Ined.
La politique de l’enfant unique menée durant de longues années en Chine a marqué les esprits. Mais ce n’est malheureusement pas le seul pays qui affiche aujourd’hui un déficit marqué concernant les naissances de petites filles. L’Inde, le Vietnam, mais aussi l’Albanie, la Géorgie, ou l’Azerbaïdjan ont fait le lit de la masculinisation des naissances. Christophe Guilmoto parle d’ « une des formes de discrimination sexuelle les plus radicales qui soient ». Le phénomène s’est amplifié par le biais des avortements sélectifs, facilités par le développement des examens et tests qui permettent de connaître de plus en plus précocement le sexe des enfants à venir. Mais le chercheur souligne dans les colonnes de La Croix, que les bébés filles sont plus touchées par des morts prématurées, des suites de « négligences ou de maltraitances dans les premiers âges de la vie », une sorte d’infanticide passif…
Les études démographiques mettent par ailleurs en évidence que la masculinisation des naissances s’amplifie avec le rang des naissances : en Arménie, le rapport garçons-filles est de 110 pour le deuxième enfant et 162 pour le troisième. Il grimpe à 220 si les deux premiers enfants sont des filles !
Au final, selon les estimations, il manquerait aujourd’hui entre 117 et 126 millions de femmes dans le monde. Christophe Guilmoto souligne le caractère inéluctables des conséquences de ces déséquilibres démographiques, qui nécessiteront plusieurs générations avant d’être effacés : « Cela va créer de la détresse et de la misère sociale. C’est du jamais-vu à cette échelle sur la planète ».