Les quartiers défavorisés de Paris étouffent sous la pollution. Une étude menée par l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) conclut dans PLOS One qu’il existe un lien solide entre le niveau socio-économique de certaines zones et leur exposition au dioxyde d’azote. Les conséquences sur la santé s’observent à court et long terme, selon les auteurs.
Le périphérique pauvre et pollué
Les quartiers à l’est et au nord de Paris, ainsi que ceux bordant le boulevard périphérique, sont les plus défavorisés sur le plan socio-économique. Une première carte distingue les zones selon trois catégories : les privilégiés (20 % de la population), la classe moyenne (55 %) et les plus défavorisés (25 %). Une seconde permet de visualiser les concentrations annuelles moyennes de dioxyde d’azote (NO2), principalement issu du chauffage des habitations et du trafic routier.
Les cartographies ne se superposent pas totalement, mais on observe tout de même une forte coïncidence entre le niveau de revenus et l’exposition à la pollution aérienne. Les abords du périphérique et les quais de Seine sont ainsi les zones qui « étouffent » le plus.
Cartes illustrant la répartition des 3 catégories socio-économiques par quartier (en haut) et l'exposition au dioxyde d'azote (en bas) (Source : PLOS One/EHESP)
Les hommes plus à risque
Les décès survenus à Paris chez les plus de 35 ans entre 2004 et 2009 ont également été pris en compte. 79 100 sont survenus sur cette période. Grâce à cette donnée, les chercheurs ont pu évaluer l’excès de risque de mortalité lié à la pollution dans chaque tranche de la population.
Deux données ressortent. Dans les cinq jours précédant un décès, les concentrations de NO2 à court terme atteignent 52,6 microgrammes par mètre cube d’air (μg/m3). Celles à long terme sont comparables (53,2 μg/m3). L’autre résultat, c’est que les populations défavorisées sont plus à risque de mortalité précoce : l’excès de risque est de 3,14 % dans les quartiers les plus riches, de 4,84 % dans les moins riches. Les personnes âgées (85 ans et plus) et les hommes sont les plus exposés.
Un cercle vicieux
Deux hypothèses expliquent cette association. La première reproduit les observations des cartes : « Les sujets les plus pauvres peuvent être exposés à de plus hauts niveaux de polluants à cause de leur proximité avec les sources d’émission », écrivent les auteurs.
La seconde hypothèse prend aussi en compte les problèmes de santé propres aux populations défavorisées. « Les groupes au niveau socio-économique plus bas peuvent être plus sensibles aux effets de certaines expositions parce qu’ils sont en moins bonne santé pour des raisons directement liées à leur désavantage socio-économique et à leurs conditions psychosociales. De telles populations, à cause de leurs ressources économiques et éducatives limitées, accumulent les facteurs de risque de maladies chroniques. »
Historiquement, les quartiers défavorisés sont régulièrement touchés par la pollution de l’air. A l’ère des usines et des manufactures dans Paris, les quartiers exposés aux émanations, c’est-à-dire sous un vent défavorable, étaient également situés à l’est et au nord. Le problème actuel a évolué, selon Denis Zmirou, co-auteur de l’étude : « Nous sommes face à un effet de fragilisation en continu des populations due à la pollution chronique, estime-t-il. Les gens ainsi fragilisés sont alors ‘emportés’ par les pics de pollution et les catégories sociales modestes en sont les principales victimes. »