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Surfacturation, soins intégralement payés d'avance...

Hôpitaux : la chasse aux dettes des pays étrangers est ouverte

Par Anne-Laure Lebrun

Pour limiter la facture laissée aux hôpitaux par les patients étrangers, ceux-ci devront payer d'avance leur soins. Le non-renouvellement du visa est aussi évoqué. 

LANCELOT FREDERIC/ SIPA/SIPA
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Ils sont venus d’Algérie, du Maroc ou d’Arabie Saoudite, ou encore des Etats-Unis ou de Grèce, pour se faire soigner en France, mais repartent sans payer la facture. Des patients étrangers qui coûtent très cher aux hôpitaux français.

En juillet dernier, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) rapportait des créances non recouvrées colossales. En une dizaine d’années, les patients français ou non, résidant à l’étranger, ont laissé 118,6 millions d’euros d’impayés. Mais les hôpitaux parisiens ne sont pas les seuls touchés. Ce lundi, Jean-Marc Viguier, secrétaire général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), présentait à La Provence une ardoise de 9 millions d’euros de dettes cumulées.

D’année en année, les hôpitaux français accumulent des dettes qui ne seront jamais apurées, car aucune mesure juridique ne peut obliger les débiteurs à payer. Et évidemment, de nombreux patients étrangers munis d’un visa de touriste connaissent cette faille et s’y engouffrent.

Chimiothérapie et opérations

Mais les mauvais payeurs ne sont pas seulement les patients venus de leur propre initiative, certains ont été envoyés en France par des institutions, des ambassades ou des organismes d’assurance. Et dans ce cas-là, ce ne sont pas les patients qui reçoivent les lettres de relance et qui les ignorent. En Grèce par exemple, les caisses d’assurance ont clairement indiqué aux hôpitaux français qu’elles ne pourraient pas payer.

A l’AP-HP, par exemple, les champions de la dette sont l’Algérie (31,6 millions d’euros), le Maroc (11 millions d’euros) et les Etats-Unis (5,6 millions). Et les premiers postes de dépenses sont les séjours pédiatriques, les interventions chirurgicales ou les séances de chimiothérapie.

Si face à cette manne financière, les établissements de santé ne peuvent pas forcer les patients et organismes d’assurance à payer, ils peuvent, en revanche, refuser des malades. 

Non renouvellement de visa ?

Ainsi, dès octobre ou novembre prochain, dans le cadre de soins programmés, seuls les patients ayant réglé d’avance l’intégralité des frais seront pris en charge.
Une mesure rendue possible grâce au décret publié fin août au journal officiel. Celui-ci autorise désormais les hôpitaux français à fixer eux-mêmes les tarifs de soins et d’hébergement pour les patients étrangers ne bénéficiant pas de la sécurité sociale.
Le texte prévoit que les établissements de santé appliquant ces nouvelles dispositions fournissent un devis aux patients. Bien évidemment, cette mesure ne s’applique pas aux bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat (AME), aux soins d’urgence et aux patients soignés dans le cadre d’une intervention humanitaire. Une modalité qui s'ajoute à la surfacturation de 30 % des soins programmés qui rapporte, par exemple, 10 millions d'euros par an à l'AP-HP. Celle-ci pourrait d'ailleurs être repensée et fondée sur des forfaits par pathologie, comme le fait déjà l’Allemagne.

Par ailleurs, les patients non résidants en France et non assurés sociaux pourraient aussi se voir refuser un visa en cas d’impayés. Une disposition évoquée par le quai d’Orsay qui envisage ainsi que les mauvais payeurs soient signalés au consulat.

 

Rayonner à l'international

Bien que ces mesures n’aient pas encore été mises en œuvre, elles penchent tout de même vers une américanisation du système de santé à l’égard des patients étrangers avec comme sous-texte : « La santé, c’est pas gratuit ».

En adoptant toutes ces mesures, les hôpitaux publics espèrent rayonner à l’international et s’imposer sur le marché du « tourisme médical ». Un secteur d’activité qui représente un chiffre d’affaires potentiel de 2 milliards d’euros et qui pourrait se traduire par la création de 25 000 à 30 000 postes dans l’Hexagone d’ici cinq ans, selon le rapport sur la « valorisation de l’expertise médicale française » de l’économiste Jean de Kervasdoué remis aux ministres de la santé et des affaires étrangères en juin 2014.

Intensifier le tourisme médical

Une médecine d’excellence pour des patients fortunés, voilà comment pourrait se résumer « le tourisme médical ». Une patientèle exigeante qui vient bénéficier des traitements et techniques de pointe pour soigner des cancers, des maladies cardiovasculaires ou des chirurgies orthopédiques. Mais à en croire le rapport, les hôpitaux ne sont pas tous prêts à les accueillir. En cause : le manque de confort des établissements français, les lourdeurs administratives ou la barrière de la langue.

A l’image de l’Institut Gustave-Roussy qui accueille plus de 5 % de patients étrangers chaque année, ou certaines cliniques ayant fait le pari du tourisme médical, l’AP-HP et d’autres CHU du service public ont décidé de capter une patientèle solvable à condition de ne pas alourdir un peu plus la dette des hôpitaux publics de 30 milliards d’euros.