Sur cette plage de Bodrum, il fait beau, la mer est calme. A quelques mètres, les enfants jouent dans le sable sous la surveillance des parents. Aylan Kurdi, 4 ans, pourrait être l’un de ces gamins insouciants. Mais il n’a pas eu cette chance.
Son corps sans vie est échoué sur la plage. « C’est un enfant syrien qui fuyait la guerre avec sa famille. Ils voulaient gagner l’Europe en l’espèce la Grèce, par la Turquie », résume Jérôme Fenoglio dans Le Monde. Sa mère, son frère, eux aussi, sont morts en tentant de gagner l’île de Kos.
Le temps s’arrête et cette plage turque devient en quelques heures le centre du monde. Le symbole vaut tous les discours de la terre. Devant ce petit garçon en tee-shirt rouge, un policier immobile, pétrifié par l’horreur. Tout est dit : les atrocités de la guerre et de la barbarie au Proche-Orient qui jettent à la mer et sur des embarcations de fortune des milliers de migrants ; notre incapacité à leur tendre la main, ni même à réagir à cet afflux migratoire.
Chaque mois, des Syriens, des Irakiens frappent à nos portes pour fuir le chaos. Et crient au secours. Comme le père d’Aylan qui a perdu toute sa famille. Les pays qui les entendent se comptent sur les doigts d’une main.
Alors, il aura fallu « une photo pour ouvrir les yeux », commente l’éditorialiste du Monde. Une photo pour « Agir », demande Libération à la Une. Bousculés par nos émotions, il serait trop facile de se défausser sur nos gouvernants et sur l’Europe pour oublier Aylan. Certes, ils n’ont pas montré le chemin de l’humanité.
Mais cette photo s’adresse à chacun et nous renvoie à nos propres ambiguïtés. Où la compassion cède vite la place à la peur de l’étranger qui dérange notre quotidien. C’est ce que nous rappelle ce petit gamin de 4 ans.