Association française de lutte antirhumatismale contre Haute Autorité de Santé : 2e round. Après le déremboursement partiel des anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL) en 2013, l’agence sanitaire a décidé de ne plus les rembourser du tout en mars dernier. L’AFLAR a donc lancé une pétition destinée au gouvernement. L’objectif est de récolter 200 000 signatures. A l’heure où ces lignes sont publiées, près de 160 000 internautes ont fait entendre leurs voix. Au total, ce sont 1,5 million de malades qui sont concernées par ce bras de fer.
Des budgets déjà serrés
La prise en charge des anti-arthrosiques d’action lente témoigne d’une longue passe d’armes entre les associations et les autorités. Dans plusieurs textes, la HAS rappelle la faible efficacité de ces 4 classes de médicaments (chondroïtine sulfate, diacerhéïne, insaponifiables d’huile d’avocat et de soja, glucosamines). Selon l’Autorité de la Concurrence, ils « n’ont pas leur place dans la stratégie thérapeutique de l’arthrose de la hanche et/ou du genou. »
En juillet 2013, déjà, la HAS a décidé d’abaisser le taux de remboursement des AASAL de 35 à 15 %. En cause : l’effet « minime » de ces médicaments. Elle s’attire des cris d’indignation de la part des rhumatologues de l’AFLAR, et une première pétition est lancée – sans succès. Deux ans plus tard, la décision est radicale : fin du remboursement pour ces médicaments. C’est alors qu’affluent les appels de patients auprès de l’AFLAR.
Des reports de prescriptions nombreux
Au-delà du budget individuel, la décision de dérembourser soulève trois questions : le report de prescription, son coût pour la communauté, et les risques pour les patients. C’est ce que soulignent Bernard Bégaud et Dominique Costagliola dans un rapport paru en 2013. Les deux experts en pharmacologie comparent la situation des AASAL à celle de l’Euphytose (anxiolytique doux à base d’extraits de plante) : lors du déremboursement, un report « massif » vers les benzodiazépines a été observé. Celui des anti-arthrosiques « poserait le même problème (iatrogénie prévisible dans cette classe d’âge) si un report massif se faisait vers les anti-inflammatoires non-stéroïdiens », prophétisent-ils. Et les risques de ces médicaments pour la santé des plus âgés sont bien documentés.
« Dans le cas du paracétamol, ajoute le rhumatologue, on commence à voir apparaître des toxicités liées à des mésusages. »
Un surcoût « massif »
L’autre crainte lors d’un déremboursement, c’est une hausse des dépenses de la sécurité sociale. Un écueil là aussi souligné par le rapport Bégaud/Costagliola : « En l’absence de messages clairs sur l’attitude à adopter par les praticiens (…), le déremboursement (partiel ou total) d’une spécialité ou d’une classe induit généralement son "remplacement", détaillent-ils. Les "alternatives" étant souvent plus coûteuses et parfois plus mal tolérées, "l’économie" ayant motivé le déremboursement correspond de fait a posteriori à un surcoût parfois important. » Dans le cas des AASAL, le surcoût risque d’être massif.
L’arthrose pesant déjà 3,5 milliards d’euros pour la société – selon les calculs de l’AFLAR –, l’addition risque d’être salée.
Et la bataille n’est pas finie entre l’AFLAR et la HAS. Le traitement local à base d’injections d’acide hyaluronique, appelée aussi visco-supplémentation, est en cours de réévaluation par la HAS. La tendance devrait là aussi être au déremboursement.
Le visage de l’arthrose en France
L’arthrose touche 10 millions de Français. C’est la deuxième cause de consultation chez le généraliste et d’invalidité après 40 ans. En 2010, elle pèse 3,5 milliards d’euros – soit un peu plus de 760 euros par an et par patient.
Dans un questionnaire, rempli par 4 650 personnes, l’Association française de lutte anti-rhumatismale s’est intéressée de plus près au profil de ces malades. Ils ont en majorité 50 à 69 ans (70 %) mais bon nombre ont vu les premiers symptômes apparaître avant 40 ans (35 %).
En tête des membres touchés, les genoux et les mains – avec 56 et 50 % de plaintes à ce sujet – suivis par les hanches et les pieds. Lorsque les symptômes apparaissent, le médecin généraliste est le plus souvent sollicité (52 % des cas). C’est aussi lui qui assure le suivi à long terme.
« La prise en charge de l’arthrose est d’abord non-médicamenteuse – par la perte de poids, la reprise d’une activité physique, la kinésithérapie… – et dans un second temps médicamenteuse », précise le rhumatologue Laurent Grange. Les patients se plient plutôt bien à ce parcours de soins : 65 % d’entre eux voient un kiné et 80 % pratiquent une activité physique régulière. Malgré tout, ils restent 56 % à avoir besoin d’un traitement médicamenteux – par voie orale dans 95 % des cas et par voie locale dans 37 % des cas.