La rue est, une nouvelle fois, le théâtre des protestations des buralistes, qui manifestent leur opposition au paquet neutre. Après avoir défilé ce week-end dans quelques régions, les débitants de tabac font entendre leurs revendications ce mardi dans 80 villes, et tentent de faire reculer le gouvernement sur cette mesure qui devrait entrer en vigueur dès 2016.
Les buralistes estiment en effet que le paquet neutre va « défigurer les linéaires, dégrader les points de vente et augmenter la distorsion de concurrence, avec la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie et l’Espagne, qui ont refusé de la mettre en place », selon les termes d’un communiqué de la Confédération des buralistes, qui regroupe 26 000 distributeurs. L’efficacité de cette mesure dans la réduction du tabagisme est également remise en cause.
Rebuter les nouveaux fumeurs
De fait, le paquet neutre n’a pas vocation à inciter les fumeurs au sevrage. Chez ces derniers, dont l’addiction est déjà bien installée, le packaging n’a que peu d’impact. En revanche, il vise à limiter le nombre de nouveaux fumeurs, qui peuvent être sensibles aux visuels attractifs des paquets (en forme de rouge à lèvres, aux couleurs brillantes, aux écritures en relief…).
En fait, la mesure cible en priorité les jeunes. « Au début de leur tabagisme, les adolescents ne sont pas encore fidélisés par une marque. Il y a un côté très ludique, ils zappent de l’une à l’autre au gré des packagings, plutôt pour leur esthétisme », affirmait en septembre dernier à Pourquoidocteur Karine Gallopel-Morvan, maître de conférences en marketing social à l’Ecole des hautes études en santé publique de Rennes.
Le paquet générique, débarrassé de tout atout de séduction, renverrait une image peu valorisante du fumeur au sein de la société. « Le fait de porter sur soi un paquet de cigarettes moche, c'est beaucoup moins classe que de fumer par exemple un paquet de cigarettes Vogue... »
Augmenter la sensibilité aux messages sanitaires
Une collection d’articles publiée en février dans la revue Addiction a démontré l’impact significatif du paquet neutre sur la consommation. Selon les chercheurs, des travaux menés par l’industrie du tabac entre 1973 et 2002 ont révélé que « des variations de la forme et la taille du paquet de cigarettes et la façon de l’ouvrir ont une influence sur l’attractivité d’une marque et la perception des risques, et donc sur les ventes de cigarettes ».
Ainsi, en Australie, où le paquet neutre a été instauré en 2012, le retrait de l’imagerie d’une marque (les couleurs et les logos) du paquet aurait augmenté l’attention des adolescents fumeurs occasionnels vis-à-vis des messages sanitaires. Une influence qui n’est néanmoins pas perceptible chez les adolescents qui fument quotidiennement.
Pour autant, même chez les consommateurs quotidiens, une modification des comportements a été observée. « La consommation de cigarettes à l’extérieur des cafés, bars et restaurants a décru, et moins de gens laissent traîner ostensiblement leur paquet sur les tables », expliquent les chercheurs dans la revue Addiction.
2 000 vies sauvées chaque année
Au micro de la BBC, le Pr Robert West, rédacteur en chef d’Addiction, avait ainsi conclu : « Toutes les études montrent que le paquet neutre va entraîner une réduction de la consommation de cigarettes, il n’y a aucun son discordant. Et même si cela n’empêchait qu’un jeune sur 20 de commencer à fumer et que ça n’avait aucun impact sur les autres fumeurs, cela permettrait tout de même de sauver 2 000 vies par an [en Angleterre] ».
