Le taux d’échec de la fécondation in vitro approche 80 % en France. Bien trop élevé aux yeux du Pr Samir Hamamah, qui exerce au CHU de Montpellier (Hérault). Son équipe publie dans PLOS One une méthode complémentaire de diagnostic pré-implantatoire. Non invasif, ce test sanguin permet de prédire les chances qu’un embryon s’implante.
Il s’agit de doser un marqueur biologique qui permet au service de biologie de la reproduction de doubler le taux de réussite de la procréation médicalement assistée (PMA). Actuellement, les embryons sont sélectionnés sur des critères morphologiques. Insuffisant au vu des mauvais résultats des différents centres : 3 à 29 % des FIV aboutissent à une naissance selon les centres.
Fiable à 88 %
La mesure de l’ADN libre s’inspire de la recherche en cancérologie. Les liquides biologiques en possèdent des traces, qui proviennent d’un phénomène de mort cellulaire. « Normalement, l’ADN libre circule dans le sang, mais il ne doit pas dépasser une concentration déterminée, explique Moncef Ben Khalifa, responsable du laboratoire de FIV au CHU d’Amiens (Somme), contacté par Pourquoidocteur. Une enzyme, la dnase, doit dégrader l’ADN circulant. »
Mais chez certaines personnes, hommes ou femmes, les doses d’ADN circulant sont très élevées dans les liquides biologiques – sang, liquide folliculaire... Ce sont aussi les sujets les plus à risque d’infertilité.
Doser l’ADN circulant permet de quantifier de manière objective le stress cellulaire auquel les ovocytes sont exposés. « Plus le taux est élevé, plus la probabilité que l’embryon s’implante diminue, résume Samir Hamamah. C’est un biomarqueur objectif et puissant qui nous permet de prévoir indirectement la survenue d’une grossesse. » Ce marqueur biologique, le CHU de Montpellier l’utilise depuis 2011. Sa fiabilité s’établit à 88 %.
Une centaine d’euros de plus
L’équipe de Montpellier milite pour un recours plus fréquent au dosage de l’ADN libre. « Dans un pays comme la France, où chaque couple a droit à quatre tentatives, si on peut aider un couple à obtenir une grossesse dans un délai court, cela permet d’économiser des tentatives, et donc des deniers publics », estime le Pr Hamamah. D’autant qu’en termes de coût, un test de ce type s’avère plutôt raisonnable : son prix devrait avoisiner les 100 euros, à ajouter au coût de la FIV, avec un résultat dans les trois heures.
Moncef Ben Khalifa commence lui aussi à aborder le sujet en tant que consultant scientifique pour Unilabs, qui possède les laboratoires Eylau. Mais ce biomarqueur ne doit pas être utilisé n’importe comment : « Cela peut apporter une valeur ajoutée dans les équipes qui ont le savoir-faire. L’avantage de cette technique, c’est qu’elle est non invasive, admet-il. Mais il faut poser des indications précises, pour que cela apporte des informations supplémentaires aux physiciens, et augmente les chances de grossesse pour les couples qui consultent pour infertilité. Après discussion avec le couple, si le dosage est pertinent, cela peut aider. »
Le terrain semble fertile : l’équipe de Montpellier dépend de l’Inserm, qui a signé un contrat avec un laboratoire pharmaceutique. Une étude multi-centrique a même été lancée.