Au Royaume-Uni, l'épidémie de diabète (+60 % en dix ans) pourrait provoquer la faillite du système de santé britannique, alertait récemment l'association Diabetes UK. Mais avec ses 3,5 millions de diabétiques, la France n'est pas à l'abri d'une telle menace. Alors, pour éviter ce scénario, l'Assurance maladie a décidé de prendre les devants face à la première des affections de longue durée, devant le cancer, qui représente 7,5 milliards € de dépenses de santé chaque année.
Ainsi, elle coache actuellement les 620 000 diabétiques (adhérents volontaires) de son programme Sophia (1) qui offre un accompagnement aux malades, pour les aider à mieux vivre et prévenir les complications. « Avec des résultats positifs à la clé », confirme Emmanuel Gomez, responsable du programme, contacté par Pourquoidocteur.
Un meilleur suivi des examens recommandés
Dans un communiqué de presse publié mardi, l'Assurance maladie indique en effet que ce service entraîne « une amélioration plus forte de la réalisation des examens recommandés chez les patients diabétiques ».
A titre d’exemple, la progression du taux de réalisation d'au moins 2 dosages d’HbA1c dans l'année (mesure du niveau moyen de glycémie), mesuré à 76,1 % en 2012, a été plus rapide chez les adhérents, de +3,8 points sur 2 ans (jusqu'à 2014), par rapport aux non-adhérents. On observe le même phénomène pour l'examen qui permet de dépister des complications du rein et celui de l’examen du fond d'œil.
« Cependant, si l’impact du service est particulièrement marqué la 1ère année après l’adhésion au service, il s’atténue la 2e année », reconnaît l'Assurance maladie. Afin de contrer cet « effet d’essoufflement », l’accompagnement des adhérents va donc être modifié, raconte Emmanuel Gomez. Il va passer par un envoi renforcé de brochures et de livrets repères sur les 24 premiers mois. Le but ? Installer des réflexes chez les nouveaux adhérents.
Pareil pour le suivi téléphonique réalisé par les infirmiers conseillers en santé sophia qui sera accru, « d’abord vers les patients qui présentent le plus de facteurs de risque cardiovasculaire tels que le tabac ou l’hypertension artérielle », précise le responsable du programme.
Pas d’impact sur la dépense totale de soins
Face à ce bilan positif, il faut tout de même rappeler que l'enjeu du programme sophia est double : améliorer la qualité de vie de ces malades chroniques et réduire les coûts dus aux complications. Et c'est peut-être là où le bât blesse. « Selon les méthodes utilisées pour mesurer l’évolution de la dépense totale de soins, les évaluations concluent à une absence d’impact financier ou à une légère augmentation », rapporte l'Assurance maladie.
Elle observe ainsi une progression des dépenses de soins de ville à 1 et 2 ans. Par exemple, la dépense totale des adhérents de la généralisation a augmenté de 47 € de plus que celle des non-adhérents à 1 an.
Pour l'expliquer, pas d'argument convaincant de la part de l'Assurance maladie qui pense que « la période d’observation (recul de 1 à 2 ans selon les cohortes), est trop courte pour pouvoir évaluer l’impact du service sur la réduction de complications liées à la maladie ». Pour cette raison, Emmanuel Gomez appelle à attendre un peu avant de juger que Sophia coûte trop cher. « C'est un pari sur le long terme », pense-t-il.
En chiffres, le coût moyen par adhérent (calculé sur la base de 638 000 adhérents au service) est évalué à 60 euros pour l’année 2015 (contre 67 euros en 2014). « Le programme Sophia atteindra l'équilibre lorsqu'il coûtera 55 euros par adhérent », avait expliqué dans le passé Frédéric Van Roeckeghem, l'ex-directeur général de l'Assurance maladie.
Les évolutions du service en 2016
Pour y arriver, l'Assurance maladie aimerait, à l'avenir, convaincre encore davantage d'adhérents. Aujourd’hui, 2,2 millions de personnes diabétiques pourraient bénéficier de ce service en France. Avec plus de 600 000 patients actuellement adhérents à sophia, le taux d’inscription est donc de 27 % par rapport à la population éligible.
Dès 2016, le service va donc s’attacher à convaincre en priorité les patients dont le suivi des examens est le plus éloigné des recommandations de prise en charge. Ces patients seront notamment ciblés en priorité par rapport à leur niveau de réalisation de l’examen du fond d’œil et de l’examen de suivi dentaire. « Il convient de souligner que ces deux examens sont les moins bien suivis par les populations les plus défavorisées », conclut l'Assurance maladie.
Source : L'Assurance Maladie
(1) Expérimenté dès 2008 dans 10 départements pilotes, le service sophia a été lancé sur l’île de La Réunion en 2009 puis dans 8 départements supplémentaires fin 2010. Après une première phase d’expérimentation réussie et les premiers résultats positifs observés, le service sophia a été généralisé à l’ensemble du territoire français.
Les patients éligibles au service sophia diabète :
- Patients diabétiques identifiés par 3 délivrances d’antidiabétiques ou plus dans l’année ;
- Affiliés au régime général hors sections locales mutualistes (SLM) ;
- Reconnus en ALD pour au moins 1 des 30 ALD, et pas forcément pour l’ALD diabète ;
- Agés d’au moins 18 ans ;
- Ayant déclaré un médecin traitant.
=> Les patients diabétiques traités uniquement par des mesures hygiéno-diététiques ou n’ayant pas d’ALD ne sont pas éligibles.
=> Les patients diabétiques de type 1 sont éligibles au même titre que ceux de type 2.
=> Seuls les patients initialement éligibles et invités au lancement de ces deux phases sont pris en compte.