Avec une baisse de mortalité de 60 % depuis l’an 2000, la lutte contre le paludisme est l’un des plus gros succès sanitaire du XXIe siècle. Néanmoins, ce bilan positif pourrait être mis à mal par la résistance aux traitements qui se développe chez le parasite Plasmodium falciparum, à l’origine de la maladie.
600 000 personnes, 80 % d’entre elles en Afrique, meurent encore chaque année de la maladie. Pour combattre le paludisme et éviter l’émergence de nouveaux cas, les traitements à base de la molécule artémisinine (ou ses dérivés), les ACTs, associés à des mesures de prévention, comme la diffusion de moustiquaires imprégnées d’insecticide, ont joué un rôle primordial.
Le parasite « endormi »
L’artémisinine constitue l’élément principal des traitements actuels, et pour cette raison, le développement récent et rapide des résistances de Plasmodium falciparum à cette molécule inquiète les chercheurs. Pour le moment, le phénomène est cantonné aux régions d’Asie du Sud-Est, mais si les résistances venaient à se diffuser, notamment en Afrique, les conséquences pourraient être désastreuses.
Le mécanisme de résistance à l’artémisinine est relativement simple à comprendre : lorsque Plasmodium falciparum est confronté aux médicaments, le parasite « s’endort ». C'est la quiescence. Il cesse alors d’agir, mais n’est pas éliminé. Lorsque les traitements sont stoppés, il recommence à proliférer. C'est pourquoi les traitements combinent l’artémisinine avec d’autres molécules antipaludiques, car le parasite a moins de chance de développer une résistance simultanée aux deux.
Les autres molécules affectées
Mauvaise nouvelle : une équipe de l’Inserm, menée par le Pr Françoise Benoit-Vical, vient de démontrer que la résistance à ces autres antipaludiques semblait s'accroitre également. « On peut se poser la question de l'efficacité des autres molécules associées à l’artémisinine. En effet, le parasite, lorsqu'il est résistant à l'artémisinine, semble développer une certaine tolérance in vitro à l'égard de celles-ci. C'est pourquoi il est urgent de développer un test pertinent permettant d'évaluer si ce phénomène de multi-résistance a également lieu chez les patients », explique la chercheuse, contactée par Pourquoi Docteur.
Cette multi-résistance n'a donc pour le moment été testée qu’en laboratoire, mais ces résultats constituent déjà une source d’inquiétude supplémentaire pour les chercheurs qui suivent les évolutions de la malaria. De quoi les pousser à prendre une longueur d’avance sur le parasite, en recherchant d'ores et déjà de nouveaux traitements.
« La diminution de la mortalité liée au paludisme est une très bonne nouvelle, et les traitements basés sur l'utilisation ACTs y ont participé. Mais si ceux-ci perdent en efficacité et si la résistance à l'artémisinine se diffuse, nous risquons de perdre les avancées obtenues jusque-là contre la maladie », conclut le Pr Benoit-Vical.