« Une officine ferme tous les 2 jours en France », c'est le cri d'alarme lancé ce lundi par Jean-Luc Fournival, président de l'Union Nationale des Pharmacies de France (UNPF). Une inquiétude pas nouvelle, mais qui ressort aujourd'hui après la publication par l'Ordre des pharmaciens des derniers chiffres sur les fermetures d'établissements. En 2014, ce sont 151 officines de pharmacie qui ont mis la clé sous la porte. Pire, le phénomène s'accélère cette année puisque, sur les six premiers mois de 2015, 99 pharmacies ont fermé définitivement.
Des chiffres d'affaires en chute libre
Pour expliquer cette évolution, Isabelle Adenot, présidente de l'Ordre, évoque des causes multiples. « La crise économique touche aussi les pharmacies », a-t-elle indiqué à Pourquoidocteur. Elle évoque à ce titre la diminution des volumes de prescriptions, la baisse des prix des médicaments, notamment les génériques, etc. « Tout cela fait que l'économie de la pharmacie est beaucoup plus fragile », souligne la présidente de l'Ordre.
Ainsi, 9 % de ces fermetures sont dues à une faillite, le reste serait davantage lié à l'impossibilité de trouver un repreneur lors d'un départ à le retraite.
Un constat partagé par Jean-Luc Fournival qui insiste, lui, sur le chiffre d'affaires des pharmaciens « en chute libre depuis 2004 ». « Et depuis deux ans, il est même en négatif. En 2015, ce bilan s'aggrave encore », ajoute-t-il.
Dans ce contexte, le moral des troupes est au plus bas. En chiffres, un sondage (1) récent de l'UNPF révèle que 40 % des pharmaciens adjoints d'officine n’ont pas confiance dans l’avenir de la pharmacie. De plus, acheter une officine seul est jugé « trop cher et trop risqué » par l’ensemble de la profession. Enfin, 76 % des titulaires n’ont pas confiance dans l’avenir de la pharmacie. Si c’était à refaire, seul un tiers serait partant !
Des résultats que s'est procurés en exclusivité Pourquoidocteur et qui vont être présentés ce mercredi à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, lors de la remise d'un livre blanc intitulé : « Pour que la profession ait un avenir », élaboré par l'UNPF.
Source : UNPF
Les étudiants pessimistes pour l'avenir
Côté étudiant, même sentiment, 60 % d'entre eux jugent le coût d’acquisition d’une officine comme hors de portée, « pour une question de ressources, mais aussi parce que la rentabilité attendue est jugée insuffisante ». « L’investissement et l’apport personnel sont vertigineux, sauf à pouvoir économiser 20 ans juste pour avoir l’apport nécessaire », font-ils remarquer dans l'enquête de l'UNPF.
80 % des étudiants jugent ainsi que l’installation individuelle n’est pas une solution sécurisée d’avenir. Cependant ,l'association reste plébiscitée, avec 85,6 % d’étudiants qui y sont favorables.
Dans ce contexte morose, beaucoup d'entre eux avouent même connaître le chômage (2). « C'est le cas de 12 000-15 000 pharmaciens et préparateurs », assure Jean-Luc Fournival. Le taux de chômage pour les pharmaciens serait donc à 8 % en moyenne, et jusqu'à 17 %, selon les territoires. Certains départements du sud de la France (de Bordeaux à Nice) se situeraient même au-dessus, déplore le président de l'UNPF, chiffres à l'appui (voir ci-dessous).
Source : UNPF
Vers des déserts pharmaceutiques ?
Un chômage inquiétant qui s'explique essentiellement par les fermetures de pharmacies, ce constat rendant d'autant plus difficile le recrutement des jeunes pharmaciens. Les zones rurales (Orne, Vienne, Gers, Haute-Marne, Vosges, etc) sont parmi les plus touchées par ce phénomène. 22 % des fermetures auraient ainsi lieu dans des villes ou villages de moins de 2 500 habitants. Et 26 % dans des villes en dessous de 7 000 habitants. A ce sujet, Isabelle Adenot raconte même des cas problématiques dans trois départements (Puy-de-Dôme, Haute-Savoie, Hérault) où des populations vivent dans des communes de 300-400 habitants sans pharmacie à moins de 30 minutes.
Jean-Luc Fournival craint que les « déserts médicaux » se transforment, à terme, en « déserts pharmaceutiques ».
(1) Du 27 janvier au 27 mars dernier, l’UNPF a mené un sondage auprès de 732 pharmaciens titulaires (propriétaires-gérants), pharmaciens adjoints (salariés) et étudiants afin de savoir quelles solutions concrètes sur le plan économique, juridique et fiscal, seraient de nature à redynamiser la profession.
(2) Pharmacien qui ne trouve pas de travail à la fin de ses études, ou se trouve subitement au chômage suite à la fermeture de son officine