La santé de notre intestin repose sur un équilibre fragile entre des bactéries inoffensives et des pathogènes dangereux. Ces derniers, comme la bactérie Clostridium difficile, sont retrouvés essentiellement dans le tube digestif des patients hospitalisés.
Elles peuvent rester dormantes sans provoquer de maladie durant plusieurs années. En France, entre 1 et 3 % de la population sont des porteurs sains. Mais si l’équilibre bactérien est rompu par la prise d’antibiotiques, par exemple, alors C. difficile se met à proliférer et devient majoritaire au sein de la flore intestinale. Conséquences : les toxines produites par la bactérie provoquent des diarrhées importantes, accompagnées parfois de sang. Dans les cas plus sévères, elle peut entraîner la mort. Près de deux patients européens sur 10 meurent d’une infection à C. difficile.
A l’heure actuelle, il existe des traitements efficaces à plus de 90 %. Mais les récidives sont fréquentes et la bactérie devient de plus en plus résistante aux antibiotiques. Découvrir de nouveaux médicaments et stratégies thérapeutiques est donc une nécessité. Et une équipe américaine de l’université de Stanford, qui présente ses résultats dans le prestigieux journal Science Translational Medicine, pourrait bien avoir trouvé un bon candidat.
Désactiver la production de toxines
En ciblant les toxines produites par C. difficile, les chercheurs ont réussi à vaincre la bactérie. « Contrairement aux antibiotiques – qui sont les traitements standards contre l’infection à C. difficile, et paradoxalement, une cause possible –, le médicament ne tue pas la bactérie », indique Matthew Bogyo, professeur de microbiologie et coordinateur des travaux.
En effet, la molécule testée par les chercheurs, nommée ebselen, permet de désactiver la production de toxines, permettant ainsi de prévenir les dommages et l'inflammation de l’intestin. Cette stratégie permet également aux « bonnes bactéries » de repeupler le tube digestif.
Les chercheurs américains ont d’abord évalué l’efficacité de cette molécule sur des cellules humaines. Ils ont ensuite pu vérifier son efficacité chez la souris. Pour cela, ils ont injecté aux animaux la toxine avec ou sans ebselen. Après 3 jours d’observation, toutes les souris ayant reçu le cocktail toxine-ebselen ont survécu, alors que toutes les souris ayant reçu uniquement la toxine sont mortes.
Bientôt testée chez l'Homme
Lors d’une dernière expérience, l’équipe a testé l'ebselen chez un modèle de souris reproduisant la réalité clinique. Les chercheurs ont administré les antibiotiques prescrits habituellement à des souris infectées par la bactérie. Puis, ils lui ont injecté une souche résistante aux antibiotiques, avant de lui administrer oralement l'ebselen. Ils se sont alors aperçus que le traitement final a permis d’éviter l’inflammation et les dégâts dans le côlon.
Au vu des ces résultats, les chercheurs espèrent démarrer rapidement un essai chez l’homme. Cette étape pourrait être simplifiée, car des essais cliniques en cancérologie ont montré que la molécule est sûre, bien tolérée et entraîne peu d’effets indésirables.