« On a longtemps pensé que les troubles du sommeil étaient une conséquence de l’addiction. Pourtant, la relation est plus complexe, bidirectionnelle ». Au congrès ATHS* qui se tient actuellement à Biarritz, Maurice Dematteis, professeur d’addictologie au CHU de Grenoble, est revenu sur un phénomène alarmant.
30% de Français à risque
En France, près d’un tiers des personnes (31%) souffrent de troubles du sommeil ; 21% somnolent en pleine journée. Les jeunes sont particulièrement vulnérables à ces troubles en raison de leur exposition quasi incessante aux écrans. « On compte en moyenne 6,5 écrans par foyer », a rappelé Maurice Dematteis. Beaucoup d’utilisateurs se réveillent la nuit pour répondre à des messages, et perturbent ainsi leurs cycles de sommeil.
Or, cette population de « mauvais dormeurs », qui souffrent de pathologies ou qui réduisent volontairement leur durée de sommeil, est exposée à un risque accru de consommer des substances psychoactives et de développer des addictions.
« Société de la performance »
En effet, bien que le terrain génétique explique en grande partie (aux alentours de 60%, selon des données exposées au congrès) l’émergence d’une conduite addictive, l’impact de l’environnement sur les comportements est loin d’être négligeable. D’autant plus que « nous sommes dans une société de la performance, où il faut agir vite, fournir de l’immédiateté. Il y a un fantasme autour du petit dormeur », a encore expliqué, à la tribune, Maurice Dematteis.
Dans ce contexte, le recours à des stimulants (café, boissons, cocaïne…) pour aller travailler, et à des sédatifs (alcool, benzodiazépines, cannabis…) pour aller au lit se développe, avec des conséquences graves sur des cycles du sommeil déjà détériorés. « C’est un cercle vicieux », a commenté le chercheur.
Apnées du sommeil
Plusieurs études se sont penchées sur l’impact des substances psychoactives sur la qualité du sommeil. Pour les opioïdes, par exemple, elles révèlent un lien avec l’émergence d’apnées du sommeil, qui dégradent les cycles et, in fine, la qualité de vie. « Si ces événements respiratoires sont très fréquents, ils entraînent une fragmentation du sommeil, qui n’est alors plus réparateur. Cela favorise l’apparition de troubles cognitifs, de dépressions, d’anxiété ». Et, éventuellement, d’une consommation accrue de stimulants et sédatifs.
Ainsi, troubles du sommeil et addiction vont souvent de pair. Chez les patients en sevrage, les difficultés à s’endormir constituent d’ailleurs « un facteur de rechute », a précisé Maurice Dematteis. Le fait de consommer très jeune des psychostimulants comme de la vitamine C pour augmenter ses performances à l’école, constitue, pour sa part,« un facteur de vulnérabilité ».
Chaque année se tient la Journée Nationale du Sommeil, à laquelle est associée une thématique – la nutrition, les transports pour les éditions précédentes. « J’invite les organisateurs à associer à la 17e journée du sommeil la thématique de l’addiction, fondamentale dans cette problématique ».
*Addictions Toxicomanies Hépatites SIDA