« C’est comme une course pendant laquelle on déplacerait sans cesse la ligne d’arrivée… et plus rapidement que ce que peuvent produire les coureurs. » C’est avec une comparaison que Philippe Gaertner, directeur de la Fédération des pharmaciens d’officine (FSPF), résume le combat des pharmaciens. A l’heure où le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (PLFSS 2016) prévoit de réduire les prix des médicaments, les représentants des pharmaciens s’alertent.
L’Union européenne réclame à la France plus de régulation dans le secteur de la santé. Dans le même temps, l’Etat français poursuit ses réflexions pour réduire les dépenses dans ce domaine. L’objectif : faire passer le déficit de la Sécurité sociale en dessous du seuil des 10 milliards d’euros.
Les économies sont nécessaires, mais elles s’appuient principalement sur les officines, selon la FSPF : 55 % de l’effort demandé par le PLFSS pèse sur un secteur qui ne représente que 16 % des dépenses. Dans un contexte de crise structurelle, ce pourrait être l’effort de trop. « On est face à des PLFSS successifs qui comprennent des mesures touchant le médicament, ce qui se traduit par une baisse des prix de l’industrie, avec des conséquences sur l’activité officinale », constate Philippe Gaertner, contacté par Pourquoidocteur.
Les petites structures durement touchées
Les économies demandées aux pharmaciens ont triplé entre 2010 et 2016. Le chiffre d’affaires des officines a reculé de manière constante sur la même période. Rien que sur les 7 premiers mois de l’année 2015, la marge a baissé de 2,25 %, établit l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le résultat est sans appel : la fragilisation du réseau se poursuit. Désormais, une officine ferme tous les deux jours.
« Ce qui se profile pour les années 2016 et 2017, c’est une accélération des fermetures d’officines, prévoit Philippe Gaertner. L’analyse des bilans de 2014 montre que ce sont les petites structures (chiffre d’affaire inférieur à 800 000 euros par an, ndlr) qui décrochent le plus : 36 % d’entre elles font – 20 % de résultat avant impôt... et les coûts fixes continuent de progresser. Or, ces officines de proximité sont souvent dédiées à dispenser des médicaments. Ce sont donc elles qui sont touchées de la façon la plus ample. »
Un plan d’urgence
Un constat bien sombre qui pousse les pharmaciens à la mobilisation. Outre une ouverture tardive de certaines officines ce 30 septembre, une lettre ouverte a été adressée au président François Hollande. Mais le problème est structurel : pour la FSPF, le médicament ne doit plus être la « variable d’ajustement » des différents plans d’économies.
D’autant que l’évolution du mode de rémunération est loin d’être achevée : pour le moment, les pharmaciens ne perçoivent un honoraire que sur les ordonnances complexes, c’est-à-dire celles qui comptent plus de 5 lignes de médicaments. Impossible donc de compenser une baisse de prix.
Une proposition émerge cependant du camp des professionnels : « Pour les officines de petite taille, il faudrait envisager un plan d’urgence, exactement comme on le fait pour les structures agricoles en danger : pourquoi ne pas étaler les taxes, les charges sociales, et accélérer le changement du mode de rémunération dans un second temps ? »