C'est officiel : le Sénat a restreint l'application des actions de groupe dans le cadre de la santé. Très populaires aux Etats-Unis, les actions de groupe réunissent des consommateurs qui s’estiment lésés par l’action ou les produits d’un même professionnel et qui exigent ensemble des réparations matérielles.
Entrée en vigueur en France en 2014, cette procédure est désormais proposée dans le cadre de la loi de santé, pour les personnes demandant réparation des préjudices corporels causés par l'utilisation de produits de santé.
Des limitations concrètes
Les sénateurs ont choisi hier de voter les amendements proposés par la Commission des Affaires Sociales du Sénat. Ils imposent des limitations concrètes à ceux qui veulent avoir recours à des actions de groupe pour un problème de santé.
Leur proposition phare : seules les associations d’usagers du système de santé agréées au niveau national seront autorisées à mener à bien la procédure. Les sénateurs justifient cette décision par deux raisons : ils veulent éviter d’encombrer les tribunaux, et s’assurer que les acteurs qui portent l’action disposent de l’expérience nécessaire. Ils estiment que les 400 associations agréées au niveau régional aujourd’hui ne sont pas toutes qualifiées pour remplir cette mission.
Par ailleurs, les sénateurs ont réduit le délai maximum au cours duquel les victimes peuvent se joindre à une procédure. A l’origine d’une durée de cinq ans, ils ont voté pour un délai ramené à trois ans. Une mesure qui vise à rassurer les professionnels de santé susceptibles d’être poursuivis.
Le recours à l’amiable est enfin privilégié. Un « alignement du régime de la médiation en matière d'action de groupe sur le droit commun » est ainsi prévu, afin d’accélérer les procédures.
Des incohérences dans la loi
Ces restrictions interviennent alors que de nombreux experts juridiques pointent des incohérences dans la mesure d’actions de groupe proposée par la loi de santé à l’article 45.
La procédure est collective, mais l’indemnisation ne peut se faire que sur des bases individuelles. Il s’agit de prouver, pour chaque victime participant à la class action, le lien entre le produit et le préjudice. L’intérêt d’engager une action de groupe est donc limité, puisque les dossiers restent individuels.
Interrogé par le journal Le Monde, Patrick Errard, président du Leem, préconise plutôt une modernisation du système d’indemnisation de l’ONIAM, l’Office National d’indemnisation des accidents médicaux.
Deux autres mesures approuvées
Bonne nouvelle pour les anciens malades du cancer : les sénateurs se sont aussi prononcé en faveur d'un « droit à l’oubli ». Le délai maximum fixé pour accorder ce droit est désormais de 10 ans et non plus à 15 ans. Cette mesure permet de garantir une égalité d’accès aux emprunts bancaires et aux assurances. En effet, les personnes guéries n'auront plus à partager leurs antécédents médicaux, ce qui, dans les faits, les contraignaient souvent à payer des primes près de deux fois plus importantes que la normale.
Par ailleurs, les sénateurs ont voté la transparence des liens d'intérêts entre les laboratoires pharmaceutiques et les professionnels de la santé. Chaque contrat devra à présent être publié, alors que jusqu'ici, seul le montant total de tous les contrats était rendu publique.