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Journée mondiale

Alzheimer: la solitude des aidants

Par Afsané Sabouhi

En 2008, la priorité du Plan Alzheimer était d’apporter un soutien accru aux proches de malades. Les structures se développent mais l’obstacle financier reste un frein pour de nombreuses familles.

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 « On est très seul quand on aide un parent malade d’Alzheimer. On sent bien qu’on dérange le médecin avec nos questions et nos difficultés pour lesquelles il n’a pas vraiment de réponse. Si on en parle avec nos amis, on plombe l’ambiance… On se sent vraiment tout seul ». Comme des centaines d’autres aidants, Denise s’est d’abord sentie  démunie face à la maladie d’Alzheimer de sa mère, diagnostiquée en 2004. Elle raconte le quotidien progressivement envahi par la maladie, la culpabilisante difficulté à supporter les sautes d’humeur ou les questions incessantes de sa mère et la lassitude grandissante…
Les aidants, ces proches, qui mettent leur propre vie entre parenthèse pour prendre soin d’un malade de plus en plus dépendant, étaient l’une des priorités du plan Alzheimer mis en oeuvre en 2008. « Un conjoint, un enfant n’est pas préparé à faire face à cette responsabilité très lourde, qui vous tombe dessus brutalement après le choc du diagnostic », souligne Judith Mollard. Cette psychologue a mis en place en 2009, pour l’association France Alzheimer, une véritable formation pour aider ces aidants. Elle se décline en cinq modules de 2h30, animés par un psychologue et un bénévole de l’association, lui–même ancien aidant. Les   objectifs s’inscrivent dans le quotidien des familles : comprendre la maladie et ses manifestations, pouvoir communiquer avec son proche malade, connaître les dispositifs d’aide sociale, financière et juridique existants…

 

Ecoutez Judith Mollard, psychologue responsable de la formation aidants familiaux pour France Alzheimer : « Etre en contact avec d’autres aidants est aussi utile que la formation elle-même »



Pour cette nouvelle Jorunée mondiale d'Alzheimer, l'heure est au bilan. Depuis 2009, près de 10 000 aidants ont suivi cette formation partout en France, leur proche étant accueilli par des bénévoles de l’association pendant chaque séance. « J’ai arrêté de culpabiliser. Partager un même vécu avec d’autres, oser en parler et être écoutée, c’est une libération, raconte Denise, en soulignant l’importance du bénévole formateur passé par les mêmes difficultés. « Ce n’est pas un simple groupe de parole où l’on vient juste vider son sac. On apprend à gérer la maladie au quotidien, de l’apathie ou l’agressivité de la personne au fonctionnement des dispositifs de tutelle et curatelle », poursuit-elle.

Autre apprentissage précieux pour les aidants, s’autoriser à s’octroyer des moments de répit pour préserver sa santé. Car s’ils se dévouent pour leur proche malade, leur propre santé passe souvent au second plan. Insomnies, troubles anxieux ou dépression sont fréquemment négligés. La Haute Autorité de Santé a élaboré des recommandations sur le suivi médical des aidants qui préconisent notamment une consultation annuelle chez son généraliste.  

Ecoutez le Dr Madeleine Favre, médecin généraliste à Vincennes, membre du groupe de travail Suivi médical des aidants pour la HAS : « Quand on soigne un malade Alzheimer, il faut penser aussi à son aidant » 



Qu’il s’agisse des structures de répit, des formations ou du suivi médical des aidants, le plan Alzheimer a donc permis de nettes avancées. Mais le coût de ces services est dans la plupart des cas à la charge des familles, qui ne bénéficient pas toutes de l’APA, l’aide personnalisée d’autonomie.

 

Ecoutez Judith Mollard : « Toutes les familles ne peuvent pas assumer ces soins d’accompagnement »



En 2050, la France devrait compter 1,8 million de malades d’Alzheimer et presque autant d’aidants. La grande loi d’orientation sur les conséquences du vieillissement, promesse de campagne de François Hollande, devra donc se pencher rapidement sur la dépendance mais aussi sur ceux qui l’accompagnent au quotidien.