« Chaque jour qui passe voit le mal mourir aussi présent dans notre pays. » C’est avec un discours dans le registre de l’émotion qu’Alain Claeys a défendu sa proposition de loi à la tribune de l’Assemblée nationale ce lundi. Le texte, de retour dans sa version initiale au Parlement, est débattu ces 5 et 6 octobre. Aux côtés du député PS, la ministre de la Santé, Marisol Touraine et Jean Leonetti député (Les Républicains) et co-auteur de la loi, ont défendu des mesures qui, selon eux renforcent la liberté des malades.
« Le texte nous revient identique »
Alain Claeys l’a souligné dès le début de son discours : « Le texte que le Sénat a rejeté en juin dernier (…) n’est pas celui que vous (députés) aviez adopté en mars. » Visiblement déçu, il s’est longuement étendu sur le besoin de préciser la législation et sur le délai causé par ce revers de situation. Les discours de Marisol Touraine et Jean Leonetti évoquent aussi cette opposition avec la Chambre haute. En effet, les sénateurs ont rejeté massivement la proposition Claeys-Leonetti, qui prévoit un « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, à la demande du patient » et un renforcement des directives anticipées.
C’est justement Jean Leonetti qui résume le mieux la situation, en une phrase teintée de lassitude : « Le débat a eu lieu et le texte nous revient identique. » Un texte pourtant soutenu par l’opinion publique, qui a été consultée. Ce qui pousse le député-maire des Alpes-Maritimes à demander un respect de l’équilibre obtenu entre les deux Chambres.
« La volonté du patient sera déterminante »
Aux yeux de Marisol Touraine, la proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale constitue trois avancées majeures. Les directives anticipées contraignantes en sont une de taille, « parce qu’elles ne constituent aujourd’hui que l’un des éléments de la décision du médecin. Désormais, ce sera la volonté du patient qui sera déterminante », a-t-elle martelé. Un respect de la parole du malade qu’a également salué Jean Leonetti.
L’élaboration d’un formulaire type de directives anticipées est le deuxième point mis en exergue par la ministre de la Santé. Automatiser l’enregistrement de ce texte faciliterait le travail des médecins.
« Faire du patient le maître de son destin »
Mais c’est bien sûr la sédation terminale que se sont arrêtés les trois intervenants. Le rapport à la fin de vie a changé, comme l’a rappelé Marisol Touraine. Et plusieurs situations peuvent nécessiter un tel recours. Alain Claeys s’y est penché, dépeignant trois situations types. La dernière fait explicitement référence aux affaires qui ont fait la loi (Vincent Lambert, Nicolas Bonnemaison…) : « les malades en état végétatif pourront également bénéficier de ce traitement à visée sédative », a-t-il souligné.
Plus sobre, Jean Leonetti a choisi d’insister sur le respect des recommandations de la société française des soins palliatifs, du Comité consultatif national d’éthique. Marisol Touraine, elle, a orienté son propos sur l’égalité face à la fin de vie. « Il s’agira désormais d’un droit concret, accessible à tous et partout », a-t-elle déclaré en clôture d’un discours très inspiré. « Faire du patient le maître de son destin » et « redonner de la vie à la mort » étaient les deux axes de sa prise de parole.
Mais c’est bien Alain Claeys qui remporte la palme de l’émotion. « Ce qui nous réunit ici, c’est la bienfaisance envers nos concitoyens, notre volonté d’améliorer le sort de tous. S’il n’existe pas de vie inutile, il arrive en revanche que sa prolongation le devienne, a-t-il lancé à ses confrères. Partir apaisé, ne pas prolonger inutilement, mais décider sereinement de s’endormir calmement, voilà ce que permettra ce texte. »