Ce sont les victimes de l’ombre de l’épidémie d’Ebola. En Sierra Leone, de nombreuses femmes ont perdu la vie en donnant naissance à leur enfant chez elles, parce qu’elles avaient trop peur de contracter la maladie si elles se rendaient dans un centre de soin.
Telle est la sombre conclusion d’une enquête menée conjointement par les ONG Voluntary Service Oversea et WaterAid, et par la Liverpool School of Tropical Medecine entre février et juillet dernier, dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest très durement touché par l’épidémie.
Déclin de fréquentation
Alors que la Sierra Leone connaît déjà des taux de mortalité maternelle et infantile parmi les plus élevés au monde, les résultats détaillés dans leur rapport sont inquiétants. Au cours de l’épidémie, la mortalité en couche aurait augmenté de 30 %, et celles des nouveaux-nés de 24 %. Par ailleurs, les maternités auraient connu un déclin de fréquentation de 18 % pour les femmes avant la naissance, de 22 % après.
Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce phénomène. L’ambiance de paranoïa qui a accompagné l’épidémie a rejailli sur la décision des femmes de se rendre en maternité pour accoucher. Au delà de la crainte de tomber malade, certaines ont expliqué aux chercheurs qu’elles avaient peur que les médecins leur diagnostiquent la maladie.
Plus grave, d’autres ont raconté qu’elles croyaient qu’Ebola était le fruit d’une conspiration du personnel médical, et qu’elles n’étaient pas allées dans les centres de santé car elles n’avaient pas confiance. Corollaire de ces évolutions, les visites aux guérisseurs traditionnels sont en augmentation.
Programme de long terme
Paradoxalement, les chercheurs démontrent que la qualité des soins maternels s’est améliorée, notamment pour les soins néonataux. De plus les personnels de soin ont augmenté de 3 % au cours de la période, du fait de nombreux volontaires recrutés pour lutter contre l’épidémie. Les jeunes femmes ayant accouché en centre de soins témoignent d'ailleurs d’un bon accompagnement des infirmières, sages-femmes et médecins.
C’est un problème de communication et de sensibilisation que les chercheurs dénoncent. Les services de maternité n’ont globalement pas été affectés par l’épidémie, le personnel est resté disponible pour soutenir les futures et jeunes mères, mais le manque de dialogue au sujet d’Ebola et des services de soins offerts a conduit les femmes à se détourner du système de santé.
Le rapport recommande de mettre en place des programmes d’éducation de long terme auprès des femmes pour les instruire d’une part sur les risques d’accoucher seule et d’autre part sur les efforts menés pour éradiquer Ebola dans le pays.