Depuis plusieurs années, la France est confrontée à une pénurie d’ovocytes et de spermatozoïdes. Alors que 3 000 couples infertiles en désir d’enfants attendent un don de gamètes, 456 femmes et 268 hommes ont fait la démarche en 2014. Pour répondre aux besoins, l’Agence de Biomédecine estime qu’il faudrait 900 donneuses et 300 donneurs.
Fatigués et découragés d’attendre des années, de nombreux couples n’hésitent pas à passer la frontière pour aller en Belgique ou en Espagne pour accéder à la procréation médicale assistée (PMA).
Face à ce constat, le gouvernement a décidé d’agir et ressortir des cartons un décret presque oublié, révèle nos confrères de Libération. Ecrit en 2011 lors du vote de la loi de bioéthique, ce texte vise à encourager les Français, surtout les Françaises, à donner leurs gamètes. Mais les mesures prévues pour le faire soulèvent de nombreuses questions éthiques.
Une compensation « en nature »
Ce décret - signé très prochainement par le Premier ministre, Manuel Valls et la ministre de la Santé, Marisol Touraine – permettra d'ouvrir le don de gamètes aux personnes sans enfants.
Outre cette possibilité, le décret prévoit de proposer une compensation aux donneuses nullipares. Il laisse la possibilité aux femmes sans enfant de congeler une partie de leurs ovocytes pour les utiliser plus tard pour engager un projet parental.
Une proposition qui représente un changement de paradigme. Aujourd’hui, la congélation de ses propres gamètes est autorisée uniquement pour raisons médicales, par exemple dans le cas de cancers. L’autoriser aux donneurs de gamètes sans enfant ouvre donc une brèche.
Ce texte semble également aller à l’encontre du don altruiste, l’un des principes fondamentaux du don en France, pour le remplacer par un principe du donnant-donnant.
Un chantage au don ?
Serait-ce alors le début de la conservation des ovocytes par convenance ? Le gouvernement a fait en sorte d’éviter ce glissement. Les femmes pourront bénéficier de leurs ovocytes lorsqu’un couple infertile aura bénéficié du don et seulement si le nombre d’ovocytes est suffisant.
Par ailleurs, les donneuses ne pourront avoir accès à leurs ovocytes non utilisés uniquement si elles souffrent d’une infertilité médicale. « Tout ce qui peut ouvrir le don d’ovocyte est positif mais nous soulignons le chantage scandaleux au don d’ovocyte : “vous pouvez congeler vos ovocytes si vous en donnez“.
Pour nous cette mesure est insuffisante, nous demandons à ce que l’autoconservation des ovocytes soit généralisée à toutes les femmes », dénonce le Pr Bernard Hédon, président du Collège nationale des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) qui s'était pronconcée en faveur de la congélation des ovocytes en 2012.
L’autoconservation ovocytaire sociétale fait débat depuis de nombreuses années en France. Il pourrait d‘ailleurs revenir sur le devant de la scène d’ici quelques mois lorsque le Comité consultatif national d’éthique rendra son avis sur la procréation médicalement assistée.