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Entretien avec le Dr Bernard Waysfeld

Chirurgie bariatrique : 15 % des patients fragiles sur le plan psychique

Par Audrey Vaugrente

INTERVIEW. Après une chirurgie bariatrique, la forte perte de poids pourrait fragiliser des patients déjà vulnérables sur le plan psychiatrique. Le risque suicidaire augmente légèrement.

Audrey Vaugrente/ Pourquoidocteur (tous droits réservés)

Le risque suicidaire serait plus élevé après une chirurgie bariatrique. Davantage de comportements autodestructeurs surviennent dans les trois ans suivant l’intervention, selon une étude parue dans le JAMA Surgery. Dans ses recommandations éditées en 2009, la Haute Autorité de Santé conseille un suivi psychologique aux patients qui ont présenté un trouble du comportement alimentaire (TCA) ou psychiatrique avant l’intervention.
A en croire les travaux menés par l’équipe de Junaid Bhatti, il faudrait élargir cette indication. Sur les 8 815 adultes suivis dans les 3 ans précédant et les 3 ans suivant la chirurgie bariatrique, 111 (1,25 %) ont présenté un comportement autodestructeur. Certains s’y sont même adonné à plusieurs reprises, le risque étant accru de 50 % après l’opération.

Pourquoidocteur a contacté le Dr Bernard Waysfeld (1), psychiatre à Paris et membre du Think Tank ObésitéS. Il nous livre son analyse.

Cette étude met en évidence une fragilité des personnes éligibles à la chirurgie bariatrique. Faut-il revoir les critères d’éligibilité ?

Dr Bernard Waysfeld : Cette estimation paraît sous estimée. En vie réelle, on a généralement plus de cas. Mais tout cela est arbitraire. L’obésité morbide est un facteur de fragilisation générale. On a tendance à dire qu’il faut éliminer les psychopathologies lourdes lorsqu’on sélectionne les patients avant une chirurgie, mais les super-obèses ont tous eu un trouble du comportement alimentaire à un moment, ou des consommations d’alcool importantes. Vouloir les éliminer, c’est éliminer 90 % des sujets.

Comment se manifestent les pathologies psychiatriques ?

Dr Bernard Waysfeld : Dans cette population, 15 à 20 % des gens présentent des psychopathologies assez lourdes, par exemple des troubles bipolaires ou des addictions qui sont principalement centrées sur la nourriture. Cette fragilité a tendance à se caractériser par un passage facilité à l’acte. D’autant plus que la société d’aujourd’hui favorise une satisfaction immédiate et aggrave la situation.

En quoi la chirurgie bariatrique affecte-t-elle l’équilibre de ces patients ?

Dr Bernard Waysfeld : La chirurgie bariatrique modifie le métabolisme et le comportement alimentaire de beaucoup de sujets. Cela peut être bénéfique mais il existe un risque dépressif à l’issue d’un amaigrissement rapide. Comme le patient mange moins de viande, il n’a plus les moyens de fabriquer suffisamment de sérotonine.

Les troubles du comportement alimentaire ont des chances de réapparaître après la chirurgie, mais sous d’autres formes, puisqu’il n’est plus possible d’absorber des aliments sous forme solide, sous peine de présenter un dumping syndrome. Les patients tombent alors dans ce qu’on appelle souvent le « syndrome du sirop d’érable », et consomment des aliments liquides ou semi-liquides à forte valeur calorique, ce qui empêche la perte de poids ou la limite malgré le bypass. Le problème, c’est que surviennent alors des troubles sévères, d’où l’intérêt de les dépister et de les traiter avant.

Enfin, les sujets peuvent aussi tomber dans des addictions différentes après la chirurgie, comme l’alcool. Ils tombent dans des niveaux d’anxiété insupportables et veulent s’anesthésier avec l’alcool de manière non exceptionnelle.

 

(1) Bernard Waysfeld est auteur de livre Le poids et le moi, paru aux éditions Armand Colin (réédition 2014)

 

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