Le cancer du sein touche le symbole de la féminité : la poitrine. Le traitement, qui se solde souvent par l’ablation d’un sein, affecte l’image en profondeur. A l’occasion d’Octobre Rose, Pourquoidocteur s’est intéressé aux conséquences du traitement chirurgical et médicamenteux sur la vie de couple. Car si les divorces sont marginaux, la maladie impose souvent de réinventer l'équilibre conjugal.
Les femmes plus à risque
La littérature scientifique est assez partagée sur l’issue d’un cancer pour un couple. Entre ces deux éléments, aucun lien n’existe, conclut une étude de cohorte parue dans le British Journal of Cancer. Une autre a abouti au même résultat, mais elle observe tout de même que les crises s’aggravent lorsque le couple traversait déjà une passe difficile au moment du diagnostic. « Dans la majorité des cas, la maladie renforce les liens du couple, ou elle ne les modifie pas de façon notable », observe Yolande Arnault, psychologue clinicienne au centre de lutte contre le cancer Paoli-Calmettes (Marseille, Bouches-du-Rhône). Le diagnostic serait en fait le révélateur d'une crise déjà présente. Il aurait, dans le pire des cas, tendance à exacerber une tension qui existait avant la maladie.
Reste que les femmes sont particulièrement désavantagées face aux séparations. C'est ce que nous explique une publication dans Cancer, qui a comparé l'impact d'un diagnostic sur le couple selon le sexe du malade. 11,6 % des personnes mariées au moment du diagnostic ont fini par divorcer 3 ans après. Une issue qui est 6 fois plus fréquente lorsque l'épouse est malade. Si la tumeur touche le sein, poser la question d'un lien de cause à effet semble d’autant plus évident. « J’ai été touchée par un cancer du sein, et par un divorce. Je ne sais pas s’il y a une relation de cause à effet », répond Catherine Cerisey, Vice-présidente de Cancer contribution.
Cette bloggeuse de 52 ans a vaincu un cancer du sein en 2000. Aujourd’hui, elle recueille régulièrement des témoignages de femmes qui, comme elle, ont appris à vivre avec un corps que la chirurgie a changé. Et selon cette ancienne malade, l'impression que les séparations sont plus fréquents est simplement liée au fait que sur le Net, celles qui en parlent le plus sont celles qui s'en sortent le moins bien. « Le biais des réseaux sociaux, c'est que les personnes qui vont bien s'expriment moins », résume-t-elle.
Le bouleversement de l’image
Chaque année, 20 000 femmes subissent une mastectomie. Mais seules 15 % d’entre elles bénéficieront d’une reconstruction. Les autres, les « Amazones », doivent poursuivre avec cette asymétrie... et donc accepter cette nouvelle apparence. « Être amazone, c’est extrêmement compliqué. Il faut accepter d’abord son corps, analyse Catherine Cerisey. Il faut se trouver séduisante avant de l’être aux yeux de quelqu’un d’autre. »
Pour autant, il ne faut pas sombrer dans l'idée que la femme est victime de la double peine : l'homme n'est pas toujours à l'initiative de la séparation. La femme peut elle aussi prendre l'initiative de briser le couple. « Une partie des femmes quittent leur homme, peut-être parce qu'elles ne se sentent plus femmes et ne veulent pas imposer cette relation à un homme qu'elles aiment, ou par envie de revivre et de changer pour se sentir femme aux yeux de quelqu'un qui ne les a pas vues diminuées », souligne la bloggeuse.
Réinventer sa sexualité
Au-delà du changement du corps, les traitements affectent la sexualité d’une femme sur le long terme. Thérapie hormonale, chimiothérapie et antidépresseurs diminuent la libido, provoquent une sécheresse vaginale, avec des conséquences réelles sur la vie de couple. Ne serait-ce que parce que les hommes ont peur de faire du mal à leur conjointe. C’est donc un équilibre du couple qui est à repenser.
Dans tous les cas, la communication au sein du couple est affectée par la maladie. Le rôle du psychologue, au-delà du soutien du malade, est alors de libérer les échanges. « Il y a des couples qui n’en parlent pas parce que chacun se protège, ou des couples qui ont une parole plus libre, précise Yolande Arnault. On encourage toujours la possibilité d’aborder librement la maladie. Quand on arrive à mettre des mots sur ce qui se passe, on arrive à s’organiser. » Mais tout n’est pas sombre. Les crises de couple sont marginales : dans l’immense majorité des cas, c’est la cohésion qui prévaut.