« Une personne âgée qui prend un somnifère tous les soirs depuis plusieurs mois, doit se demander pourquoi elle les prend », alerte le Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du Réseau Morphée. Un tiers des personnes de plus de 65 ans consomme ces médicaments de façon régulière. Selon les dernières données de l’assurance maladie, ils sont exposés à ces médicaments pendant sept mois en moyenne ! Or, pour être efficaces, ces produits ne doivent pas être pris pendant plus de 30 jours maximum. Cette surconsommation peut provoquer des effets délétères : dépendance au produit, troubles de l’équilibre et risque de chutes, troubles de la mémoire.
Ecouter le Dr Armelle Leperre-Desplanques, chef de service à la Haute Autorité de Santé: « Des conséquences en chaîne pour la personne âgée ».
Face à ce problème typiquement français (nos voisins consomment 3 à 5 fois moins de somnifères), la Haute Autorité de Santé (HAS) tente de mettre le holà sur les prescriptions, d’autant plus qu’une sur deux serait inappropriée. Les médecins doivent donc se mobiliser mais toute la famille aussi. « Tout le monde doit être informé : les personnes qui à l’âge de partir à la retraite, ou à la ménopause, se plaignent de problèmes de sommeil, mais aussi les plus jeunes, pour éviter qu’elles ne tombent dans la spirale de la surconsommation », martèle le Dr Armelle Leperre-Desplanques, chef de service à la HAS.
Pour la première fois, la HAS veut impliquer le grand public face à ces mésusages du médicament. Une affiche a été prévue à leur intention dans les salles d’attente. Mais pas seulement : « nous avons le soutien de associations de malades comme l’association de lutte contre les infections nosocomiales et les accidents médicaux (LIEN ), précise le Dr Armelle Leperre-Desplanques.
Pour éviter de réclamer systématiquement un somnifère à son médecin, la HAS recommande d’étudier avec son médecin traitant la qualité et la durée du sommeil. « Seule 1 à 2 plaintes sur 10 relèverait de l’insomnie véritable », rappelle le Dr Royant-Parola, psychiatre. La plainte du sommeil chez la personne âgée doit faire l’objet d’un entretien spécifique lors d’une consultation dédiée. Douleurs, anxiété, dépression, problèmes urinaires ou encore apnée du sommeil sont autant d’événements expliquant un trouble du sommeil et qui ne nécessitent pas la prise de somnifères. Tout peut aussi être normal. « Quand on vieillit le sommeil change, on dort moins la nuit et le sommeil se répartit différemment sur l’ensemble de la journée », explique le Dr Royant-Parola.
Avec l’aide de son médecin, une personne peut réduire progressivement la prise de comprimés de somnifère et d’arrêter définitivement. En 2007, des médecins des Ardennes rapportaient une expérience à la HAS. Afin de faire baisser leur prescriptions de benzodiazépines, ils ont mis au point un questionnaire pour le patient. 102 personnes de 74 ans d’âge moyen, prenant des benzodiazépines depuis 1 à 40 ans, ont bénéficié de ces consultations approfondies. Résultat : 53 % d’entre elles avaient cessé leur usage depuis 18 mois, et 22 % avaient considérablement réduit les doses. « La CPAM et la MSA nous ont indiqué que nous avions baissé de 30 % nos prescriptions de psychotropes, témoignait le Dr Jean-Pierre Hilly. Et certains patients ont réussi dans le même temps à réduire aussi leur consommation d’autres médicaments. »
La Haute Autorité de Santé veut poursuivre ce type d’expérience. En accord avec les conseils de l’Ordre des médecins et de l’Ordre des pharmaciens, la HAS diffuse à nouveau les recommandations et des outils pratiques pour aider les praticiens à réduire ces prescriptions. Et d’ici la fin de l’année, un rappel sera intégré aux logiciels d’aide à la prescription. Ainsi, chaque fois, qu’un médecin prescrira un somnifère à une personne âgée, il sera invité à proposer à son patient un rendez-vous dédié à l’exploration de ses problèmes de sommeil.
Ecouter le Dr Armelle Leperre-Desplanques, « arrêter les somnifères, c’est une stratégie globale. »
Pour retrouver un sommeil de qualité, il existe des solutions non médicamenteuses : se coucher et se lever à de horaires réguliers, privilégier des repas légers en soirée, avoir une activité physique dès le matin, « comme une petite marche au grand air, cela permet de s’exposer à la lumière du jour et c’est bon pour restructurer le sommeil », témoigne le Dr Sylvie Royant-Parola. L’exercice physique modéré dans la journée contribue à limiter les manifestations anxieuses ou les troubles de l’humeur et favorise l’endormissement.
Ecouter le Dr Sylvie Royant-Parola : « Ne pas passer trop de temps au lit »