Un petit verre par ci, une cigarette par là… Les conduites addictives en milieu professionnel peuvent sembler anodines. Mais elles posent problème lorsqu’elles répondent à une culture d’entreprise ou représentent une réaction aux tensions sur le lieu de travail. Selon un sondage BVA commandé par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), 91 % des dirigeants déclarent que leurs salariés consomment au moins un produit psychoactif. Ils sont presque aussi nombreux à craindre les retombées d'un tel comportement (85 %).
A l’occasion de la Journée nationale de prévention des conduites addictives en milieu professionnel, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a réalisé une revue de la littérature sur les consommations de substances psychoactives au travail. Et elle révèle de fortes disparités socioprofessionnelles.
Plus d’ecstasy chez les employés
Dans l’ensemble, et sans vraiment de surprise, les demandeurs d’emploi consomment davantage de substances psychoactives que les actifs. Seule la consommation quotidienne d’alcool est comparable dans les deux groupes – avec respectivement 6,4 % et 7,3 % de buveurs. L’OFDT note toutefois un rapprochement des courbes sur les médicaments psychotropes. La remontée est nette chez les actifs, « ce qui pourrait témoigner d’un accroissement des tensions dans le monde du travail dans un contexte de crise. »
Mais au sein même du groupe des travailleurs, un véritable fossé sépare les différentes classes socio-professionnelles. Chez les hommes, l’ecstasy est largement plus consommé par les employés (2,4 %), le tabac par les ouvriers (44,6 %). Chez les femmes, les artisans privilégient les psychotropes (30 %), les ouvrières l’alcool – avec 12,5 % d’alcoolisations ponctuelles importantes dans le mois. Reste que trois secteurs se retrouvent systématiquement en tête, quelle que soit la substance : la construction, le secteur des arts (spectacles, services récréatifs compris) et celui de l’hébergement-restauration. Et comme pour coller au mythe de Dr House, le secteur de la santé semble relativement épargné… hormis en ce qui concerne les médicaments psychotropes ou contenant des opiacés.
Culture d’entreprise
Le point le plus inquiétant de cette revue de la littérature, c’est le bilan de la consommation au cours de la journée. Selon le Baromètre Santé 2010, 18,9 % des hommes et 10,3 % des femmes ont consommé de l’alcool sur leur temps de travail en dehors des traditionnels « pots ». Ceux qui le font au moins une fois par semaine sont 3,5 %.
Les conditions de travail influencent bien la consommation de substances psychoactives. En 2010, le nombre de cigarette a augmenté après une crise au travail pour un tiers des fumeurs interrogés. Même constat pour un consommateur de cannabis ou d’alcool sur dix. La culture de l’entreprise est aussi un facteur aggravant. Une étude menée auprès d’apprentis en région Nord-Pas-de-Calais a révélé que 8 % des jeunes se voient proposer de l’alcool au moins une fois pas mois. Un alcool « social » qu’il est alors difficile de refuser puisqu’il est facteur d’intégration.
Les moyens de prévention sont pour le moment limités. Mais Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mildeca, compte bien changer les choses. D'ici la fin de l'année 2015, elle souhaite que les 6 000 médecins du travail puissent se former aux techniques de repérage précoce des conduites addictives. L'objectif : sortir du déni et du tabou qui, bien souvent, empêchent toute prise en charge.