En juin 2015, les premiers résultats de l'étude épidémiologique INWORKS (1) avaient renforcé la preuve de l’existence d’une relation entre le risque de leucémie (cancer liquide) et l’exposition aux rayonnements ionisants.
Ces résultats avaient été recueillis auprès de cohortes de travailleurs français, américains et britanniques employés dans l’industrie nucléaire (préparation du combustible, recherche, production d’électricité, retraitement des combustibles irradiés) et surveillés pour une exposition externe aux rayonnements ionisants.
Malheureusement, de nouveaux résultats, publiés ce jeudi dans le British Medical Journal (BMJ), ne vont rassurer les travailleurs d’AREVA NC, du CEA et d’EDF, inclus dans la cohorte française. Les radiations ionnisantes seraient aussi associées à un surrisque de cancers solides.
Preuves directes
La radiation moyenne reçue par les membres de cette cohorte de plus de 300 000 travailleurs, hommes et femmes employés à partir du milieu des années 1940 était de 21 milligray (mGy) au total.
Résultat, environ 1 % des décès par cancer peut être attribué à l’exposition aux rayonnements sur le lieu de travail. Et chez ceux ayant reçu au moins 5 mGy, 2,4 décès par cancer sur 100 étaient dus à l’exposition professionnelle.
« Ces résultats valident la relation de cause à effet entre l’exposition aux rayonnements ionisants à faibles doses et les tumeurs solides (peau, muqueuses, os, organes, etc.) », soulignent les auteurs de l'étude.
Même son de cloche pour l'agence du cancer de l'Organisation mondiale de la Santé, (CIRC/IARC) qui indique que ces résultats « fournissent des preuves directes des risques de cancers liés aux expositions prolongées à de faibles doses de rayonnements ionisants ». L'augmentation du risque est toutefois « modeste », ajoute l'agence basée à Lyon (France).
Patients et personnels médicaux aussi
Ces travaux sont particulièrement importants pour la protection des travailleurs du nucléaire, mais aussi pour le personnel médical et la population générale. En effet, « les doses auxquelles sont exposés les professionnels de l’industrie nucléaire sont comparables à celles reçues par des patients bénéficiant de multiples scanners ou subissant des procédures de radiologie interventionnelle », précise dans le BMJ le Dr Isabelle Thierry-Chef, co-auteure de l’étude.
« Cela souligne aussi la nécessité de bien évaluer la balance bénéfice/risque de telles procédures d’imagerie médicale », rajoute-t-elle.
« Toutes les questions concernant l’impact de la radiation sur la santé n’ont pas encore obtenu de réponses. C’est pourquoi il est essentiel de poursuivre le suivi de cette cohorte à l’avenir », conclut de son côté le Dr Christopher Wild, directeur du CIRC.
(1) INWORKS est une étude coordonnée par le Centre International de Recherche sur le Cancer, et à laquelle participent l'IRSN, le National Institute for Occupational Safety and Health, pour les Etats-Unis, le Public Health England’s Centre for Radiation, Chemical and Environmental Hazards pour le Royaume-Uni, l’Université de Caroline du Nord et le Center for Research in Environmental Epidemiology.
Les cancers «solides»
Les tumeurs solides peuvent se développer dans n’importe quel tissu: peau, muqueuses, os, organes, etc. Ce sont les plus fréquents puisque, à eux seuls, ils représentent 90% des cancers humains. On distingue 2 types de tumeurs:
- les carcinomes sont issus de cellules épithéliales (peau, muqueuses, glandes). Exemples: cancers du sein, des poumons, de la prostate, de l'intestin, etc.
- les sarcomes, moins fréquents, sont issus de cellules des tissus conjonctifs (dits tissus de «soutien»). Exemples: cancers de l'os, du cartilage, etc.
Source : Fondation contre le Cancer