Une femme qui accouche consomme autant d’énergie qu’un marathonien. Une dépense considérable. Et pourtant, le jeun est la règle lorsque le travail a commencé. En effet, les anesthésistes craignent que les femmes ne soient victimes d’un phénomène d’aspiration, c’est-à-dire qu’un aliment ou une boisson passe dans les poumons. Crainte désormais injustifiée, à en croire la présentation d’étudiants de l’université Memorial de Terre-Neuve (Canada) au Congrès annuel de la Société américaine des anesthésistes, qui se tient du 24 au 28 octobre à San Diego (Californie, États-Unis).
Presque plus de cas
Christopher Harty et Erin Sprout ont réalisé une large revue de la littérature. Ils ont attentivement scruté 385 études publiées depuis 1990. Dans les années 1940, l’aspiration survenait dans 1,5 accouchement sur 1 000. Mais avec les progrès de l’anesthésie, le jeun ne devrait plus être la règle, concluent ces deux étudiants en médecine.
Entre 2000 et 2005, aucun décès n’a été déclaré au Royaume-Uni. Quant aux Etats-Unis, ils n’ont eu à déplorer qu’un seul cas entre 2005 et 2013, et il concernait une femme présentant deux facteurs de risque : obésité et pré-éclampsie (hypertension artérielle gravidique).
« Changer la pratique a du sens. Les anesthésistes et les obstétriciens devraient travailler ensemble pour évaluer chaque patiente de manière individuelle. Celles qui sont à faible risque d’aspirer peuvent probablement manger un repas léger pendant le travail », estime Christopher Harty dans un communiqué.
Des facteurs de risque à prendre en compte
Autre argument en faveur de l’abolition du jeun en salle de travail : les femmes dépensent une énergie phénoménale lorsqu’elles accouchent. Si l’apport énergétique n’est pas suffisant, elles puiseront dans leurs réserves de graisse. Cela augmente l’acidité du sang de la mère et du fœtus, ce qui favorise les contractions utérines, allonge le temps de travail et dégrade la santé du nouveau-né.
« Cependant, certains facteurs augmentent le risque d’aspiration chez une patiente en travail et doivent être pris en compte », souligne Erin Sprout. Ces facteurs de risque sont l’éclampsie, la prééclampsie, l’obésité, ainsi que l’utilisation d’opioïdes pour gérer la douleur. En effet, l’action de ces médicaments fait que l’estomac se vide plus lentement. Et si les femmes en travail n’ont pas forcément l’appétit pour manger solide – ce qui est souvent le cas –, elles peuvent toujours continuer à consommer de l’eau et des jus de fruits clairs.