Hier, ils étaient une centaine. Aujourd’hui, ils sont plus de 6 000 à fixer les côtes anglaises qui se dessinent au loin. Et demain, combien seront-ils ? Selon les différents acteurs présents à Calais, entre 100 et 150 migrants arrivent chaque jour sur le site de la Lande, plus connu sous le nom de « la jungle ».
Ancienne déchetterie fermée en 2000, ce camp de réfugiés s’est transformé en quelques mois en immense bidonville où tout manque. Les toilettes sont quasi-inexistantes, l’eau potable est une denrée rare et les infrastructures sanitaires ne sont pas assez nombreuses pour répondre à tous les besoins. Pourtant, selon le rapport remis aux ministres de la Santé et de l’Intérieur ce vendredi, « il n’y a pas de vraie crise sanitaire, ni d’éléments pouvant faire craindre une menace épidémique majeure, à court terme ».
Une situation sous contrôle
Un constat éloigné des témoignages que l’on peut lire dans la presse depuis des mois. Alors que les associations, les ONG et les professionnels sur place interpellent les autorités et dénoncent un non-respect des droits fondamentaux des migrants, notamment en matière d’accès aux soins, ce rapport tempère la situation.
Excepté les nombreux cas de gale constatés, les 4 cas de tuberculose et un cas de teigne, les 6 médecins missionnés estiment que « la situation sanitaire est globalement sous contrôle à ce jour ». Selon leurs observations, « l’offre de soins répond bien aux situations d’urgence vitale, et plus largement, les pathologies lourdes sont correctement prises en charge et sans discrimination ».
Même si, ailleurs dans le rapport, les auteurs relèvent que « les évacuations d’urgences sont quasiment impossibles du fait de la densité sans cesse accrue de l’habitat ».
Ils reconnaissent, néanmoins, que la situation comporte des risques, y compris sanitaires, du fait principalement des conditions d’hébergement insalubres. Des risques d’infections sexuellement transmissibles ou de grossesses non désirées liées à une offre de prostitution organisée ont été identifiés. Les risques d’incendies ou d’intoxications au monoxyde de carbone sont aussi redoutés. Une menace de plus en plus pesante avec l’arrivée du froid.
Moins de cinq minutes par patient
Par ailleurs, la mission alerte sur les moyens humains insuffisants pour couvrir les besoins en constante augmentation depuis juin 2015. Le cas de la permanence d’accès aux soins et de santé qui se situent à 10 km du camp en est un exemple criant.
Durant sa vacation, un médecin peut voir jusqu’à 40 à 50 patients en 3h30, soit un patient toutes les 4 minutes. « Si l’on ajoute à cela le temps nécessaire pour la traduction lors de l’interrogatoire, il ne reste guère de temps pour un examen décisif, exposant au risque d’erreurs médicales voire au recours abusifs à la prescription d’examens complémentaires.
Et ce, même si l’on considère que les médecins qui consultent sont des professionnels aguerris qui n’hésitent d’ailleurs pas à dépasser leur temps de vacation », écrivent-ils. Les consultations dentaires et psychologiques nécessitent également une attention renforcée.
Ainsi, la mission émet huit propositions. Ils préconisent tout d’abord d’améliorer les hébergements et « s’intéresser prioritairement au problème d'accès à l’eau/latrines/déchets ». Ils appellent également à renforcer l’offre de soins de premier secours et la mise en place d’équipe mobile de psychiatrie. « Admiratifs » du travail réalisé par tous les professionnels sur le terrain, les médecins missionnés soulignent l’importance de coordonner tous les intervenants afin « d’agréger les compétences et les bonnes volontés ».