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Virus modifié de l’herpès

Mélanome avancé : une virothérapie bientôt acceptée en Europe

Par Audrey Vaugrente

Un virus dérivé de l'herpès pour traiter le mélanome métastatique. Cette virothérapie, désormais autorisée aux Etats-Unis, devrait bientôt l'être en Europe.

JS EVRARD/SIPA
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La première virothérapie contre le mélanome pourrait bientôt être autorisée en Europe. Dérivé du virus de l’herpès, ce produit permet d’obtenir une réponse durable dans des cancers avancés. La survie est améliorée, alors que ces formes métastatiques sont souvent résistantes. L’argument a visiblement convaincu l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) : elle a accordé ce 27 octobre une autorisation de mise sur le marché à Imlygic (talimogene laherparepvec, ou T-VEC). L’AMM en Europe ne devrait pas tarder à suivre. Le dossier est en cours d’examen à l’Agence européenne du médicament (EMA). Et l’organisme a fait savoir, le 23 octobre, qu’il était favorable à une autorisation.

Injecté directement dans la tumeur

Mais quel est ce virus recombinant qui suscite autant d’enthousiasme de la part des autorités ? Le T-VEC contient un virus de l’herpès (herpes simplex virus 1) modifié génétiquement. « La capsule de virus herpès est utilisée comme vecteur pour injecter à l’intérieur des cellules tumorales un fragment d’ADN qui code pour le facteur de croissance GM-CSF », explique le Pr Nicolas Meyer, dermatologue cancérologue au CHU de Toulouse (Haute-Garonne), contacté par Pourquoidocteur.
Le T-VEC est injecté directement dans les lésions cutanées qui ne sont pas opérables, mais aussi dans les ganglions qui sont accessibles. Une exigence technique à laquelle tous les patients ne répondent pas.

Le mécanisme d'action exact n’est pas complètement caractérisé, mais deux pistes peuvent être avancées. Le premier est inhérent au mode d’injection : le virus entre dans la cellule tumorale, utilise son énergie pour se répliquer et finit par la tuer. Le second relève de la modification génétique du virus, qui produit la protéine GM-CSF et stimule le système immunitaire du patient, détruisant ainsi les cellules tumorales.
Dans les deux cas, une fois que la cellule tumorale infectée meurt, les copies du virus modifié sont libérées dans le flux sanguin et elles se propagent à davantage de cellules cancéreuses. C’est de cette manière que le virus pourrait avoir une action diffuse.

 



Un traitement complémentaire

Le traitement par T-VEC consiste en une série d’injections espacées de deux semaines pendant au moins six mois. Le taux de réponse au cours du traitement est plutôt significatif (16 %, soit 8 fois mieux que le groupe témoin), et la survie globalement améliorée. Les patients « infectés » survivent 23,3 mois en moyenne, contre 18,9 mois dans le groupe témoin.

Se pose donc la question de la place de ce traitement. En effet, l’arsenal thérapeutique est déjà bien garni. Récemment, les immunothérapies et les thérapies ciblées ont largement fait leurs preuves. C’est justement ce qui pousse Nicolas Meyer à la prudence. « Le sujet reste en suspens parce qu’on n’a pas la totalité des données sur ce traitement, notamment l’efficacité en termes de survie globale, pondère cet onco-dermatologue. Pour l’instant, ce traitement sert aux patients qui ont des métastases sous-cutanées invalidantes ou nombreuses, pour lesquels on cherche à avoir un contrôle. » Un effet locorégional donc. Dans le cadre des essais cliniques, l’effet du T-VEC est particulièrement marqué chez les patients dont le cancer est avancé (stades IIIB, IIIC, IVM1) et n’a jamais connu d’autres traitements. Et ces patients « naïfs » ne sont pas les seuls à pouvoir bénéficier de ce virus recombinant.

Les mélanomes métastatiques sont connus pour leur grande résistance aux traitements, dont les immunothérapies. « On a encore des patients réfractaires aux thérapies immunitaires et ciblées. On a donc besoin de traitements complémentaires, explique à Pourquoidocteur le Dr Marina Thomas, dermatologue cancérologue à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif, Val-de-Marne). Avec le T-VEC, on espère avoir une action soit chez des patients pour qui les thérapies à disposition ne sont pas efficaces, soit en complément des traitements pour stimuler encore plus l’immunité de ces patients. »

 

La piste des associations

L’association avec les autres traitements est sans doute l’avenir du T-VEC. Des essais ont déjà été lancés pour évaluer l’impact d’une combinaison avec des immunothérapies : l’ipilimumab, le traitement de référence, et son challenger, le nivolumab. Les premiers résultats devraient tomber d’ici 6 à 18 mois.

Mais Nicolas Meyer a son idée sur la stratégie à adopter face au T-VEC, qui ne fait plus forcément le poids en termes de survie face aux immunothérapies. « La stratégie la plus intelligente serait peut-être, lorsqu’on a des métastases ganglionnaires isolées, de traiter préalablement avec le T-VEC, de lui laisser le temps d’agir puis d’engager une chirurgie de résection, en espérant que le traitement ait induit une réponse immunitaire globale », estime-t-il.

Ces résultats encourageants sont tempérés, comme souvent en cancérologie, par le prix d’un tel traitement. Le laboratoire Amgen, qui produit le T-VEC, estime son coût à 65 000 dollars (59 800 euros). « 65 000 dollars pour un contrôle loco-régional, ça n’a pas de pertinence si on peut faire la même chose avec une chirurgie qui coûte moins de 1 000 dollars. Si à l’heure actuelle, les études autour de ce traitement n’apportent pas d’éléments complémentaires, c’est un traitement qui n’aura que très peu de place dans la stratégie de traitement du mélanome, tranche Nicolas Meyer. Le prix n’est acceptable qu’à la condition que le résultat y soit. »
A lui seul, le nivolumab représente un coût de 103 220 $ outre-Atlantique (95 000 €). Un coût jugé jugé acceptable au vu de ses excellents résultats dans le mélanome, mais aussi le cancer du poumon, du rein.

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