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Annonce de Marisol Touraine

Don du sang : 4 questions clés sur l’ouverture aux homosexuels

Par Audrey Vaugrente

A partir de 2016, les homosexuels et bisexuels pourront donner leur sang. Un homme ayant des rapports sexuels avec un homme devra rester abstinent un an pour être éligible.

DURAND FLORENCE/SIPA

32 ans que le don du sang était interdit aux homosexuels. Dès le printemps 2016, ce ne sera plus le cas. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé dans les colonnes du Monde qu’elle compte lever l’interdiction permanente. Une levée très attendue du milieu associatif. Dans le cas du don de plasma, les exigences seront les mêmes que pour une personne hétérosexuelle : être en couple stable depuis quatre mois ou rester abstinent sur la même durée.
Mais pour qu’un homme ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) soit éligible au don total, l’abstinence devra durer un an. La « fenêtre silencieuse » durant laquelle le VIH reste indétectable dans le sang n’est pourtant que de 12 jours. Pourquoi des critères si stricts ? Pourquoidocteur décrypte la problématique en quatre questions.

Pourquoi imposer un an d’abstinence ?

« Dans un premier temps, le don du sang sera ouvert aux homosexuels n’ayant pas eu de relations sexuelles avec un autre homme depuis douze mois », déclare Marisol Touraine. La France suit l’exemple d’autres pays, comme le Royaume-Uni ou le Japon. Un an d’abstinence, c’est bien long, rétorquent de nombreuses associations militant pour les droits des minorités sexuelles. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une forme d’homophobie : le questionnaire préalable au don évalue en fait le risque de don contaminé. Et cette durée d’ajournement s’impose aussi aux concubins d’usagers de drogues injectables.

« On n’a pas de projection statistique sur le niveau de risque résiduel de transmission du VIH par le don du sang avec des critères en dessous d’un an d’ajournement après le dernier rapport sexuel entre hommes, explique à Pourquoidocteur Coline Mey, chargée des nouvelles stratégies de santé à l’association AIDES. Cela ne veut pas dire qu’il ne pourra pas y avoir d’autres évolutions. »
D’ailleurs, la ministre de la Santé a appelé de ses vœux le lancement d’études qui permettront de réévaluer le risque. A l’avenir, la position de l’Etat français pourrait donc évoluer.

Qu’est-ce qui justifie une ouverture en 2016 ?

Depuis l’exclusion des HSH du don du sang, en 1983, la position française était catégorique : hors de question de les réintégrer. « On a toujours en tête l’affaire du sang contaminé dans les années 1980, c’est ce qui explique la grande prudence d’aujourd’hui », analyse Coline Mey. Et pourtant, petit à petit, le monde commence à revoir les critères de collecte de sang. En France, cela commence par le don de plasma – avec les mêmes conditions que pour les hétérosexuels – puis le don de sang total.

Ce qui justifie cette évolution, c’est un mélange de progrès médicaux et sociaux. « L’épidémiologie du sida a évolué, ce qui justifie une évolution des mesures, développe le Dr François Charpentier, directeur de la chaîne transfusionnelle à l’Etablissement Français du Sang, contacté par Pourquoidocteur. La mesure d’ajournement définitif a induit des effets secondaires, comme des gens qui masquent leur homosexualité pour donner. Une mesure moins sévère pourrait apporter une meilleure adhésion. »

Ecoutez...
Dr François Charpentier, directeur de la chaîne transfusionnelle à l’EFS : « On a du recul sur la mesure d'ajournement définitif actuel. Une mesure moins sévère, qui ouvrirait, a toutes les chances de faire mieux que celle qu'elle remplace. Et la mesure qu'on a aujourd'hui ne sera pas forcément celle qu'on aura en 2020. »

Comment avoir la garantie d’un sang de qualité ?

A eux seuls, les HSH représentent 40 % des nouvelles contaminations par le VIH. « C’est ce qui fait qu’on met en place des critères spécifiques », rappelle Coline Mey. Des critères qui s’appliquent aussi aux autres orientations sexuelles : sont exclus les usagers de drogues injectables, les transfusés. Le don peut aussi être ajourné de manière temporaire en fonction des pratiques sexuelles – quatre mois d'ajournement pour les hétérosexuels ayant des partenaires multiples – ou des voyages. « Ce qu’il faut retenir, c’est que si on souhaite donner son sang de manière responsable, on prend en compte ces critères, tranche cette responsable d'AIDES. Donner son sang n’est pas un droit. C’est recevoir du sang avec un niveau de sécurité maximal qui est un droit. »

Justement, pour sécuriser les dons au maximum, l’EFS a mis en place un parcours strict des dons. En amont, un questionnaire et un entretien médical sont imposés à chaque donneur. En aval, des tubes sont utilisés pour la qualification biologique. « On recherche des maladies transmissibles par transfusion, le VIH, le VHC et le VHB, détaille François Charpentier. On peut aussi rechercher la syphilis, le paludisme ou d’autres maladies en fonction du questionnaire. A l’issue de ce processus, on rapproche les résultats d’examen et on décrète si le produit est qualifié ou non. »

Que font les autres pays ?

Pour le moment, 9 pays ont autorisé le don de sang aux homosexuels. Le délai d’abstinence, en revanche, est variable. Deux Etats, le Canada et la Nouvelle-Zélande, ont opté pour le très long terme et exigent 5 ans sans relation sexuelle. Le Portugal se montre en revanche très progressiste et impose la même réglementation à toutes les orientations sexuelles. L’Italie et l’Espagne coupent la poire en deux, avec respectivement 6 et 4 mois d’abstinence. « Cela reste marginal par rapport à ce qui se passe dans le monde », tempère toutefois Coline Mey. En effet, le modèle qui suivra la France est de loin le plus suivi : au Japon, en Australie, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, une année doit s’écouler entre le don et le dernier rapport sexuel avec un autre homme.