Les diabétiques ne sont pas tous égaux face aux complications de la maladie. Sur les trois millions de patients sous traitement, plus de 41 000 ont été hospitalisés en 2013. Infarctus, AVC, plaies du pied, insuffisance rénale sont autant de problèmes de santé favorisés par cette maladie chronique.
Dans une édition spéciale du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) revient sur les inégalités socio-économiques et régionales qui freinent une prévention adéquate.
Les complications liées au diabète ne sont pas rares, même si elles sont en stabilisation. En 2013, plus de 20 000 patients ont été hospitalisés pour une plaie au pied. Le pied du diabétique, c’est une des affections les plus courantes chez les malades (voir encadré). Et cette population est sept fois plus à risque de perdre un membre inférieur à cause d’une infection au pied.
Des disparités socio-économiques
Déjà très défavorable, la situation se dégrade encore plus pour certains : les hommes sont plus touchés par les complications du diabète que leurs paires. On dénombre ainsi deux fois plus d’hospitalisations pour infarctus du myocarde, 1,6 fois plus de plaies du pied et 2,6 fois plus d’amputations du membre inférieur.
L’âge est aussi un facteur non négligeable : les malades chroniques plus âgés développent davantage de complications. L’âge moyen est de 70 ans.
Mais ce BEH met surtout en lumière de fortes disparités socio-économiques : les bénéficiaires de la couverture maladie complémentaire (CMU-C) de moins de 60 ans sont fortement représentés parmi la population hospitalisée.
Selon le Pr Jacques Bringer, du CHU de Montpellier (Hérault), ces inégalités « affectent l’efficacité des soins chez les diabétiques et doivent conduire à mettre en place les actions de prévention et des filières de soins réactives afin de réduire, en particulier, la survenue des accidents vasculaires cérébraux, dont la fréquence est supérieure à celle des infarctus du myocarde. »
Le Nord-Pas-de-Calais lourdement touché
Les travaux, qui s’appuient sur la base de données du système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (Sniiram), révèlent aussi de lourds déséquilibres géographiques. En métropole, la Bourgogne se trouve relativement épargnée par les insuffisances rénales, les amputations du membre inférieur et les AVC. En Île-de-France, amputations, plaies du pied et infarctus du myocarde sont moins fréquents que dans la population diabétique. Mais le Nord-Pas-de-Calais paie un lourd tribut dans presque l’ensemble des complications liées au diabète (insuffisance rénale, amputation, plaide du pied, AVC). L’Alsace est aussi durement touchée.
« Les disparités géographiques sont très marquées et diffèrent de celles observées en population générale, souligne le BEH. Si les taux de personnes diabétiques hospitalisées pour infarctus du myocarde sont plus faibles dans les DOM, comme cela a également été observé en population générale, les disparités observées entre les régions métropolitaines sont différentes de celles observées en population générale. Les taux régionaux de personnes diabétiques hospitalisées pour AVC sont davantage en cohérence avec ceux de la population générale, sans se superposer complètement pour autant. »
L’éducation du patient
Ces nombreuses complications peuvent être en partie mises sur le compte d’un mauvais suivi biologique et médical. Des examens réguliers sont recommandés à ces patients à haut risque cardiovasculaire et métabolique. Et pourtant, seul un patient sur deux réalise trois dosages annuels de son hémoglobine glyquée. Le taux est particulièrement faible en Guyane et en Guadeloupe. Les patients se montrent plus observants pour les dosages de la créatinine (84 %) – qui permet d’évaluer la fonction rénale – et des lipides (74 %). En revanche, les consultations auprès de spécialistes sont assez peu réalisées : à peine un tiers des diabétiques se rendent régulièrement chez le dentiste et le cardiologue.
Mais même avec un bon suivi, les complications restent inégales. « Cela suggère que la lutte contre les inégalités ne passe pas uniquement par le suivi des examens recommandés (quoique fondamental), mais essentiellement par une gestion appropriée de la maladie de la part de la personne diabétique et de son médecin, concluent les auteurs. Cette gestion de la maladie repose notamment sur l’éducation du patient, qui doit être la mieux adaptée à son profil, facilitant l’observance des mesures hygiéno-diététiques et des traitements médicamenteux. Elle doit également reposer, en dernier lieu, sur l’intensification de ces traitements, si nécessaire. »
Le pied du diabétique : une complication de plus en plus fréquente
Les complications podologiques sont de plus en plus fréquentes chez les diabétiques, souligne ce BEH. Les hospitalisations pour plaie du pied concernaient 668 patients sur 100 000 en 2013, soit une augmentation de 20 % en 3 ans. Et nombreux sont les blessés qui consultent trop tard, ce qui aboutit à une amputation. Et les diabétiques n’apprennent visiblement pas de leurs erreurs : 20 % des patients hospitalisés sont ré-amputés au moins une fois dans l’année. Et 30 % retournent à l’hôpital pour une plaie au pied.
Pourtant, depuis 2008, l’Assurance maladie propose aux malades de grade 2 et 3 un forfait podologique de 4 et 6 séances annuelles, afin de prévenir ces dérives.