D’ici à la fin de l’année 2015, le premier robot sexuel « femme » mis au point par la société True Companion devrait voir le jour, l’annonce officielle en a été faite. Il s’appelle Roxxxy avec 3x. Pas de jaloux, son équivalent masculin existe, c’est Rocky !
Un vieux mythe qui se réalise. Souvenez-vous d’Ovide (pas d’Ovidie, l’ex-actrice du porno !). Le philosophe abordait déjà dans les Métamorphoses le mythe du sculpteur Pygmalion qui tombait amoureux de sa créature, Galathée. Proportions miraculeuses et peau de marbre, elle se transformait en vraie femme grâce aux bons soins de la déesse Aphrodite.
Avec Roxxxy, on y est presque, son fabriquant affirme que la peau de sa créature a un toucher sensuel, que la petite a de la conversation, qu’elle interagit avec vous, il suffit de la programmer. Cinq options sont proposées au choix : Wild Wendy (aventureuse), Frigid Farrah (timide), Young Yoko (elle veut apprendre les secrets du plaisir, malgré son jeune âge), Mature Martha (au contraire, très expérimentée), et SM Susan (pour hommes dominateurs). Il est possible aussi de choisir la robote en fonction de ses goûts ( couleur de cheveux, couleur de peau, coupe de cheveux). Elle se comporte comme un robot articulé mais ne bouge pas de manière autonome. Voilà pour l’essentiel de ses caractéristiques, et je ne vous parle même pas de sa plastique aux proportions parfaites.
Certains redoutent déjà que l’irruption des robots dans la sphère sexuelle ne renforce encore un peu les vieux stéréotypes de la femme-objet (il y a fort à parier que Roxxxy ait beaucoup plus de succès que Rocky). L’anthropologue Kathleen Richardson met en avant le risque d’une nouvelle "objectivation" des femmes et le risque d’une déshumanisation des rapports entre hommes et femmes. Certains redoutent même une confusion des sentiments : on pourrait se mettre à aimer les machines.
Qui peut croire qu’une telle créature puisse remplacer une vraie femme (ou un vrai homme) ! Je sais bien que certains ont voulu se marier avec leur moto, que l’on peut aimer son chien ou un tableau plus qu’un être humain, mais quand même !
Bien avant Roxxxy, il y a eu les poupées gonflables hyperréalistes, très prisées au Japon. Les hommes en sont-ils tombés amoureux ? Là encore, à moins de prendre un tamagotchi pour un vrai chien, j’imagine que cela n’a pas dû arriver souvent.
Les sex toys existent depuis la nuit des temps et ils n’ont en rien détérioré la relation homme/femme, ils ont souvent aidé le couple à jouer ensemble et comblé les femmes qui préféraient jouer en solo ou qui traversaient une période de solitude un peu longue.
Que le jouet soit un peu plus grand et un peu plus abouti change-t-il vraiment quelque chose à l’affaire ? Effectivement, on va vers une dématérialisation de la relation, un pas est sans doute franchi. Mais ne l’était-il pas déjà avec l’amour à distance via la webcam, les sextos, les jeux en ligne comme Second life ? Sur cette plateforme, il est possible de vivre tous ses fantasmes sexuels avec un avatar en 3D. Oui, l’amour avec des cyberlovers existe déjà, et la virtualité procure des orgasmes bien réels, mais je vous fiche mon billet qu’un adepte des jeux en 3D ne confond pas son partenaire avec une manette ou un hologramme.
Si l’on considère la bouteille à moitié pleine plutôt qu'à moitié vide, on peut même rêver d’un monde plus beau, où Roxxxy et ses clones limiteraient le recours à la prostitution, permettraient aux handicapés d’avoir une sexualité plus facile, où la propagation des infections sexuellement transmissibles diminuerait, où les gentils robots prendraient en charge avec les mots qu’il faut les troubles sexuels (« mais non mon chéri, tu vas y arriver » ; « ce n’est pas grave, c’est parti tout seul, champagne !, ce sera au point la prochaine fois »…), plus d’angoisse de performance non plus, meilleurs réflexes conditionnés, etc…
Mais il y a une chose que Roxxxy et Rocky n’apporteront jamais, c’est l’interaction sexuelle. Qu’est-ce qui fait plaisir à chacun dans le sexe ? Le plaisir qu’il reçoit, d’accord, mais au moins autant, celui qu’il procure ! Ce n’est pas forcément de l’altruisme, c’est aussi de l’égoïsme : on se sent doué, compétent, et cela renforce son propre plaisir. Quel amant béat (et un peu benêt, il faut l’avouer) pourrait se vanter d’avoir fait jouir un robot ?
Dans son livre Love and Sex With Robots (Harper Collins, 2007), David Levy, chercheur britannique en intelligence artificielle, écrit : « L’amour et le sexe entre humains et robots sont inévitables. La question n’est pas de savoir si cela arrivera, mais quand cela arrivera... »
Faut-il s’en inquiéter ? Nous avons tous grandi avec des doudous, des peluches, des objets transitionnels censés représenter l’amour des parents et permettant de supporter leur absence. Et si finalement, les robots sexuels n’étaient que cela, des substituts, en attendant l’amour, le vrai ?
