Le monde du rugby est endeuillé. L’une de ses légendes, Jonah Lomu, est décédé d’un arrêt cardiaque ce 18 novembre, à 40 ans, après une vie d’exception. L’ancien ailier néo-zélandais s’est fait remarquer par son physique hors normes, sa sélection précoce – à seulement 19 ans. Mais son ascension sportive a été très vite été freinée. En 1997, une maladie génétique rénale rare est diagnostiquée : un syndrome néphrotique. Ce n’est que le premier des nombreux rebonds que connaîtra son parcours.
Un ami donne son rein
Né à Auckland (Nouvelle-Zélande) en 1975, Jonah Lomu se fait rapidement remarquer. Du haut de son mètre 96, avec ses 119 kilos, il se démarque dans le paysage des ailiers. Ses 63 sélections au sein des All Blacks confirmeront ce caractère d’exception. Ce n’est pas le diagnostic de son syndrome néphrotique, en 1997, qui l’arrête. Après un traitement de huit mois, il revient à temps au sein de la sélection nationale pour le Mondial de 1999.
Mais en 2002, cette légende du rugby doit céder du terrain face à la maladie. Trop malade pour poursuivre sa carrière, Jonah Lomu annonce sa retraite. Deux ans plus tard, il subit une transplantation rénale. Son ami Grant Kereama, présentateur de radio, est à l’origine de ce don vivant – alors très limité en France.
Ce n’est en effet qu’en 2011 que la loi de bioéthique élargit le cercle des donneurs vivants potentiels. L’ensemble des membres de la famille peuvent désormais être volontaires, ainsi que les amis proches, ce qui est défini par une relation étroite et stable de deux ans.
Le retour sur le terrain
2011, c’est aussi l’année de la rechute pour Jonah Lomu. Entre temps, le rugbyman a effectué un retour spectaculaire sur les terrains – avec un passage par le club de Marseille-Vitrolles en 2009. « Il a été greffé de manière non conventionnelle de manière à protéger son rein », explique le Pr Benoît Barrou, néphrologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) contacté par Pourquoidocteur. Pour autant, le Néo-zélandais ne rejoue pas dans les plus grands clubs. « Les traitements antirejet sont indisposants et ont des effets secondaires, tempère Benoît Barrou. Il est donc quasi impossible de revenir au niveau sportif antérieur. Si on arrive à remettre un athlète à 80 % de ses capacités, c’est déjà bien. »
Pour Yvanie Caillé, présidente de l’association de patients Renaloo, le retour de Jonah Lomu garde tout de même une saveur particulière. « La greffe permet le plus souvent une vraie réhabilitation des patients, notamment quand ils sont jeunes. Mais Jonah Lomu était un sportif de très haut niveau, la greffe lui a donc permis de reprendre la compétition, ce qui est très fort sur le plan symbolique. »
4 ans d'attente
Mais la greffe ne tient pas. En 2012, le Néo-zélandais annonce qu’il est victime d’un rejet. Un événement plutôt inhabituel puisque les greffes provenant de donneur vivant ont une survie médiane de 20 ans. Selon l’Agence de la biomédecine, les trois quarts des greffons sont toujours fonctionnels dans les 10 ans suivant la greffe.
Jonah Lomu retourne donc sous dialyse trois fois par semaine, à raison de six heures par jour. Dans sa dernière interview, accordée au Daily Mail, il est d’une terrible lucidité. Bien qu’il désire voir ses fils grandir jusqu’à 21 ans, il le reconnaît, « il n’y a aucune garantie que cela arrive. « Vous devez être positif à propos de cela, ajoute-t-il. Tous les dialysés sont différents, mais ils ont un point commun : ils n’ont pas le choix. Si ce n’est abandonner. »
Le colosse n’aura pas abandonné avant ce 18 novembre, soit 4 ans après son inscription sur les listes d’attente. C’est bien plus long que le temps d’attente moyen observé en France, qui est de 15,9 mois.
« Un type très chaleureux »
D’après John Mayhew, ancien médecin des All Blacks, l’arrêt cardiaque aurait été causé par le syndrome néphrotique. « La souffrance rénale est un facteur de risque cardiovasculaire. C’est une cause de décès fréquente chez les patients atteints de maladies rénales, ce n’est donc pas surprenant », souligne Benoît Barrou.
Comme Jonah Lomu, 257 personnes sont mortes dans l’attente d’une greffe en 2014. Et 15 470 sont toujours en attente d’une greffe de rein. 3 200 ont pu être opérées – 16 % grâce à des donneurs vivants. « Jonah Lomu, c’était un vrai symbole pour beaucoup de patients greffés ou en attente de greffe. Il a repris la compétition, il avait un vrai engagement. C’est aujourd’hui quelque chose d’assez triste d’apprendre sa mort. »
Le Pr Benoît Barrou a rencontré Jonah Lomu en 2010, à l’occasion d’une rencontre sur la transplantation rénale à la Pitié-Salpêtrière. Il garde lui aussi un souvenir ému de ce colosse. « C’était un type très chaleureux, une belle personne, se souvient-il. Quelqu’un à la hauteur du don qui a été fait, et qui a défendu la cause de la transplantation. »