S’agit-il d’un tournant décisif dans l’affaire du mediator, en tout cas le titre qui s’étale aujourd’hui à la Une du Parisien le laisse supposer : « les chiffres qui sèment le doute ». 86 % des demandes d'indemnisations des victimes du Mediator, nous apprend le quotidien, ont été rejetées par les experts désignés par le ministère de la Santé. « L'antidiabétique des laboratoires Servier n'est peut-être pas à l'origine des quelque 500 décès qu'on lui impute », ajoute le journal.
Prescrit depuis 1976, cet antidiabétique, souvent utilisé comme coupe-faim, avait été accusé d’avoir provoqué des milliers de valvulopathies et d’être à l’origine de 500 à 2000 morts. Il avait été retiré du marché français en 2009 à la suite des révélations du Pr Irène Frachon. Depuis 2011, le collège d’experts nommé par la ministère de la Santé et réuni au sein de l’Oniam (1) a examinée 831 dossiers médicaux de plaignants, 712 ont été rejetés. Dans les cas où le lien de causalité a été reconnu, précise le journaliste, les experts ont retenu une incapacité très faible, en majorité entre 5% et 10%. Il reste cependant quelques milliers de dossiers à examiner par l’Oniam mais son directeur reconnaît que la situation est plus compliquée que prévu.
« Les laboratoires font pression sur la commission », rétorque le Pr Frachon, auteur d’un ouvrage sur l’affaire. Pour cette pneumologue, les valvulopathies mineures ou modérées ne seraient pas prises en compte par les experts parce qu’elles ne provoqueraient pas de déficit fonctionnel. Or, selon elle, elles seraient au contraire préjudiciables pour le patient.
Des divergences que confirme un membre de la commission : « Il y a une grosse bagarre en interne », confie-t-il au quotidien. Certains seraient très exigeants sur les justificatifs à demander aux patients, par exemple des ordonnances qui datent de plusieurs années. Le collège d’experts défend le sérieux de sa procédure en faisant valoir qu’un dossier mal ficelé pourrait être contesté en justice. Mais surtout, les médecins examinent les demandes en se basant sur la dégradation des valves cardiaques, motif à l’origine du retrait du médicament en 2009. Et sur ce point, le laboratoire Servier semble aujourd’hui beaucoup plus serein.
(1) Office national d'indemnisation des accidents médicaux