Pas encore médecins, et déjà épuisés. La dépression est monnaie courante chez les internes en médecine. Et d’après une méta-analyse sur 50 ans d’études, le phénomène est mondial. Ses auteurs expliquent dans une édition dédiée aux études de médecine du Journal of the American Medical Association (JAMA) que la prévalence des symptômes dépressifs est nettement supérieure à la population générale chez les médecins en formation.
En progression sur 50 ans
Cette méta-analyse rassemble 54 études menées dans 16 pays, du sultanat d’Oman au Brésil en passant par les Etats-Unis et le Canada. Au total, 17 500 médecins formés ou en cours d’apprentissage ont été suivis entre janvier 1963 et septembre 2015. Les symptômes dépressifs ont été relevés soit par des entretiens en face à face, soit par des questionnaires. Dans le cadre de cette revue de la littérature, les chercheurs se sont concentrés sur les années d’internat, connues pour les longues heures de travail, la faible reconnaissance et la forte pression subie.
Et si les modalités de l’internat peuvent varier selon les pays, une chose ne change pas. 29 % des jeunes médecins sont dépistés positifs aux signes de la dépression. La proportion va de 21 à 43 % selon les pays et les modes de mesure.
Plus inquiétant : avec les années, la part de professionnels touchés a tendance à augmenter. « La progression de la dépression, observée sur les cinq décennies couvertes par l’étude, est surprenante et importante, particulièrement à la lumière des réformes mises en place pour améliorer l’expérience des internes », estime Srijan Sen, co-auteur de la méta-analyse.
Plus de soins
Ce résultat est d’autant plus inquiétant que ces jeunes médecins sont en contact direct avec les patients. Or, plusieurs travaux l’ont montré, la dépression d’un soignant dégrade la qualité des soins et augmente le risque d’erreurs médicales. Il semble donc crucial de trouver une solution à ce mal-être ambiant, et surtout mondial.
« Les solutions que l’on peut apporter à cette endémie peuvent être classées en trois catégories, analyse Thomas Schwenk, de l’Ecole de médecine de l’université du Nevada à Reno dans un éditorial associé à la méta-analyse. Fournir plus de soins mentaux aux médecins formés et en formation dépressifs, et de meilleure qualité, limiter l’exposition des personnes en formation à un environnement et un système qui contribue au moins en partie à une dégradation de la santé mentale et du bien-être, envisager la possibilité que le système de formation médicale doit être modifié de manière fondamentale. »
Ce dernier point semble particulièrement difficile à résoudre. Rien qu’en France, les internes en médecine représentent une population de 35 000 jeunes sur la période 2010-2014. Une force vive dont dépendent hôpitaux et cabinets.