Mon charcutier l'affirme avec des larmes dans les yeux : dans le cochon, tout est bon ! Mais ce brave homme ne sait pas encore que la médecine va lui emboîter le pas. En effet, depuis des années, les médecins fantasment sur ce que l’on appelle les « xénogreffes », c’est-à-dire des greffes d’organes d’animaux chez l’homme. Car le manque de greffons condamne à mort, chaque année, quelques dizaines de patients dans notre pays. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le singe qui présente les organes les plus intéressants, mais le cochon. Toutefois, plusieurs obstacles majeurs restent à franchir. L’éthique tout d’abord. Doter l’homme d’organes d’animaux pose un problème moral, surtout à l’époque de l’épidémie de vache folle qui a jeté un fort soupçon sur toutes les manipulations inter-espèces. Et toute transplantation d'organes d'un animal à un homme présente le risque de faire apparaître de nouvelles maladies humaines devant lesquelles on est toujours désarmé. Toutefois, avec l’utilisation d’insuline de porc ou de valves cardiaques de même origine, la médecine a déjà largement franchi le pas. Reste techniquement une difficulté majeure : le rejet. Notre corps, qui n’aime déjà pas beaucoup recevoir un organe étranger même de son espèce, se fâche tout rouge devant ce qu’il assimile à un corps étranger. Voyez comment par exemple une simple épine dans un doigt entraîne une espèce de coque inflammatoire à son pourtour. Imaginez cela à la puissance 1000 autour d’un organe, et vous comprendrez comment on peut hésiter, même avec des médicaments anti-rejets.
L'expérience du clonage de la brebis Dolly a ouvert la voie à celui de cinq petites cochonnes en Angleterre en 2002. Les chercheurs ont d’abord réussi à créer une race dépourvue du gène que l’on sait responsable du rejet. Puis, grâce au clonage, ils ont pu multiplier les cochons identiques, offrant ainsi une source inépuisable d’organes transplantables. Pour crier victoire, il faut cependant franchir le stade de l’expérimentation inter-espèces. Ce sera le cas prochainement avec la greffe d’organes de cochons vers le singe. Les recherches au CHU de Nantes vont bon train : plutôt que de greffer l’organe du cochon, on insère ses cellules directement dans le foie, le rein du singe sous forme de capsules. Les résultats seraient encourageants. Mais si la science pense être bientôt prête, il restera un dernier rempart à franchir et pas le moindre: celui du législateur…