Loi Santé, tiers payant généralisé, revenus qui ne progressent pas assez, la colère des médecins ne cesse d'enfler depuis plus d'un an. Et ce matin, c'est un cri du coeur que les praticiens poussent auprès des pouvoirs publics ! Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) présente ce jeudi les résultats d’une enquête sans précédent qui a permis de recueillir les témoignages, perceptions et attentes de près de 35 000 praticiens.
Cette mobilisation massive des médecins a été complétée par un sondage réalisé auprès de plus de 4 000 usagers du système de santé. Le premier enseignement de cette consultation est le très fort sentiment de malaise chez l’ensemble des médecins, alors même que la loi de modernisation du système de santé sera adoptée ce jeudi en dernière lecture à l'Assemblée nationale.
Laissez nous soigner
Si 89 % des sondés se disent fiers d’exercer une profession qui constitue avant tout « une vocation », ils estiment que l’exercice du métier est aujourd’hui « trop contraint et dévalorisé ». La quasi totalité (97 %) des médecins estiment ainsi subir trop de contraintes réglementaires, économiques et administratives, qui empiètent sur leur temps médical, et 91% d’entre eux estiment que leur mission de service public est « mal reconnue ».
Et les médecins ne sont guère optimistes pour l'avenir. Ils sont par exemple 74 % à se dire inquiets pour l’avenir de la profession, une inquiétude que leur patientèle partage.
Alors, comment raviver la flamme ? Pour les médecins il faut surtout retrouver du temps médical. Ils sont 98 % à estimer qu’augmenter le temps médical en réduisant la complexité administrative est une piste de réforme importante ; cela est même une priorité pour 86 % d’entre eux.
Le tiers payant généralisé (dispense d'avance des frais) mesure phare de la nouvelle loi Santé, mais pour lequel le dispositif technique n'a pas encore été trouvé, semble encore tourmenter les esprits au sein des cabinets...
Autre origine de ce mal-être : les relations conflictuelles des médecins avec leurs tutelles (ministère de la Santé, CPAM, etc.) Trois médecins sur quatre (74 %) soutiennent que les relations avec les pouvoirs publics sont insatisfaisantes, et 55 % sont insatisfaits de leurs relations avec les Agences Régionales de Santé (ARS), chargées d’assurer, à l’échelon régional, le pilotage d’ensemble de notre système de santé. Un peu plus de la moitié des médecins se disent aussi insatisfaits de leur relation avec l’Assurance maladie.
Le système de santé à bout de souffle
Conclusion du sondage, 83 % médecins présentent le système de santé actuel comme à bout de souffle. Même son de cloche pour les patients puisque 63 % des Français affirment que depuis ces dix dernières années, ils ont le sentiment qu'il a plutôt tendance à se détériorer. Les trois quarts estiment que la protection sociale se détériore depuis ces 10 dernières années.
Résultat, tous appellent au changement, et maintenant ! 95 % des médecins veulent une réforme du système de santé partagée avec les pouvoirs publics (87 % des Français la souhaitent également). Et quand on demande aux Français quel est l’acteur en qui ils font le plus confiance pour réformer le système en leur nom, c’est sans conteste (86 %) le médecin, référent santé, qui est cité.
La relation médecins/patients au beau fixe
Et à la vue de ces résultats les patients ne seront sans doute pas déçus de leurs médecins car ces derniers continuent de soutenir un système de santé solidaire « piloté par l'Etat et l'Assurance maladie », plutôt qu’« ouvert aux acteurs privés » (61 % contre 20 %), et 62 % de nos toubibs se disent même défavorables à l'ouverture de la protection sociale à la concurrence assurantielle.
Ce sondage comporte tout de même une lueur d'espoir dans le quotidien des médecins, il s'agit de la relation avec leurs patients. Celle-ci obtient des scores de satisfaction très élevés (88 % dont 20 % de médecins « très satisfaits »). Leur patientèle le leur rend bien, puisque 97 % des patients déclarant que la relation est bonne avec leur médecin traitant (et 68 % qu’elle est même « très bonne ») ; les autres libéraux (95 % dont 50 % de « très bonne »), les hospitaliers (91 % dont 47 % de « très bonne ») ou encore les médecins du travail (86 % dont 29 % de « très bonne ») ! L'univers de la consultation semble donc préserver de toutes ondes négatives, et le cabinet garde sons statu de sacro-saint auprès des malades...