Qu’un bébé ou un petit enfant dorme occasionnellement dans le lit conjugal, ce n’est pas un problème du tout, et même, cela peut être rassurant, en cas de maladie, d’angoisse ou de cauchemar terrible. « La faveur exceptionnelle doit cependant rester une exception », prévient le psychologue Harry Ifergan (1). Le risque ? Une OPA sur l’intimité du couple !
Œdipe à l’horizon
Face à l’envahisseur, il faut se montrer particulièrement vigilant en période oedipienne ( 3 à 6 ans), lorsque l’enfant est profondément amoureux du parent de sexe opposé et qu’il vit le parent de même sexe comme un rival. Il est alors recommandé de clairement formuler les limites, tant celles de l’interdiction du lit conjugal que celle de l’inceste (un enfant ne se marie pas avec son papa (ou sa maman).
« Je me souviens, raconte Marie, notre fils Antoine avait à peine trois ans. Tous les matins, dès 5 heures, il avait pris l’habitude de venir s’installer dans mon lit. Son père travaillait la nuit et lorsqu’il rentrait, il trouvait Minus installé à sa place. Je ne me relevai pas pour le recoucher de peur d’être incapable de me rendormir. C’est devenu une habitude. Il a fallu que mon mari m’oblige à dire stop à Antoine, de manière ferme et non équivoque pour qu’il cesse son manège ».
Un scénario parfaitement réglé
Pas besoin d’être très observateur pour constater que le scénario qui aboutit à Minus dans le lit est toujours le même à des petites variantes près. Cris à l’heure du coucher, réveils nocturnes répétés, parents épuisés, Minus grognon et agité toute la journée… la coupe est pleine, au bout de quelques jours, le couple craque et prend Minus dans son lit un premier soir, puis le suivant parce que le même cinéma recommence. « Comprendre que l’enfant est malheureux ne signifie pas pour autant qu’il faut tout permettre et tout accepter », indique Harry Ifergan.
Les parents qui veulent préserver le sommeil de leur enfant et se préserver un avenir de couple paisible doivent à la fois reconduire leur petit dans son lit et savoir le rassurer. Des paroles douces mais assurées, un bisou, le doudou, des accessoires « magiques » pour le défendre s’il a peur (gros nounours, épée de chevalier, toute petite veilleuse…) et la porte ouverte s’il le réclame. Il cédera si le parent ne cède pas avant lui.
Qu’est-ce qui peut inquiéter l’enfant ?
Il peut mal supporter un choc émotif en crèche ou à l’école, une jalousie fraternelle, l’absence répétée de son papa ou de sa maman qui travaille en horaires décalés ou voyage souvent, que ses parents se disputent encore ( il vient alors pour s’interposer entre eux et les obliger à se calmer).
Il faudra également tenir compte des fameuses peurs de l’endormissement que presque tous les enfants traversent habituellement à 2 ans, à 4 ans et à 8 ans.…En identifiant précisément la cause de l’angoisse de l’enfant, on peut y apporter la réponse la plus adaptée : « ne t’inquiète pas, papa et moi on parle fort mais on s’aime aussi très fort », « papa travaille la nuit, mais je n’ai pas peur toute seule dans mon lit, je suis très bien », etc…
Papa dort sur le canapé
Pendant que Minus achève sa nuit auprès de sa maman chérie, papa, lui, dort sur le canapé. Situation que bien des psy ou des pédiatres ont eu à gérer. « Les rôles sont inversés, explique le psychologue, l’enfant prend la place de papa (complice) avec l’accord de maman ( consentante). Il suffirait tout simplement que le père dise : « tu dors dans ton lit, ici, c’est ma place ». A chacun son territoire, l’enfant attend des limites ! Le coup d’état ne profite à personne ; il ne fait que perpétuer chez l’enfant l’incapacité à dormir seul ».
Le lit du couple chargé de symboles
Lorsque l’enfant finit par supprimer toute intimité chez ses parents, il est bon de se poser la question de la mise à distance opérée. Car, soyons clairs, ce n’est pas un petit Minus qui dicte sa loi. La mère profite-t-elle de l’excuse de l’enfant pour cesser tout rapport sexuel ? Est-il un écran et un bouclier contre le désir de son compagnon ? Le couple règle-t-il à travers l’enfant des conflits conjugaux sous-jacents ? Une chose est certaine, les réconciliations sur l’oreiller auront bien du mal à survenir si l’enfant s’impose sur le territoire intime.
Le couple est donc disqualifié, mais pas seulement, il y a aussi l’enfant qui construit sa propre identité sexuelle. Il n’est pas dupe, un père désiré et aimé à sa véritable place, reste le meilleur des exemples pour se construire en tant que fille ou garçon.
(1) Mais qu’est-ce qu’il a dans la tête ? (éditions J’ai lu)