Les transplantés souffrent de la double peine. Après l’intervention, ces patients sont toujours à haut risque de maladie. La mortalité par cancer est particulièrement élevée dans cette population, souligne une étude parue dans le JAMA Oncology. Menée auprès de receveurs de la province d’Ontario (Canada), elle révèle son fardeau considérable.
Les chercheurs savaient déjà que les transplantations d’organes solides (cœur, foie, rein…) augmentent le risque de néoplasme malin. « C’est quelque chose qui est connu. Le cancer est une des complications de l’immunosuppression qui arrivent tardivement », souligne le Pr Olivier Bastien, directeur du prélèvement et de la greffe à l’Agence de la biomédecine contacté par Pourquoidocteur.
Mais ces travaux livrent un tableau plus précis du phénomène. Pour cela, 11 000 receveurs d’organes ont été suivis entre 1991 et 2010. Parmi eux, 3 000 sont décédés – dont 600 à cause d’un cancer.
Trois fois plus de décès
Le risque est particulièrement élevé après une transplantation. Par rapport à la mortalité attendue en population générale, l’équipe dénombre trois fois plus de décès chez les receveurs d’organes solides. L’âge est un facteur d’influence puisque les enfants sont bien plus touchés que les personnes âgées par ce phénomène : l’excès de mortalité est 8 400 fois plus élevé que la normale.
« Malgré le fait que les receveurs d’organes solides aient une espérance de vie plus courte et un risque plus élevé de décès de cause non liées au cancer, ces patients sont plus à risque de décès par cancer par rapport à la population générale, concluent les auteurs. Résoudre le problème du cancer chez ces personnes est crucial pour améliorer leur survie. »
Une mauvaise prise en charge ?
Une question n’est pas résolue dans cette publication : celle de la cause de cette surmortalité. C’est ce que déplorent Marianne Schmid, Felix Chun et Quoc-Dien Trinh dans un éditorial associé à l’étude. « Ce rapport provoquant soulève plusieurs questions importantes, qui restent sans réponse, écrivent-ils. Il établit une association entre transplantation et décès par cancer, mais ne fournit pas d’explication à ces résultats. »
Plusieurs hypothèses existent pourtant, à commencer par celle de lésions plus agressives chez les greffés. Les éditorialistes évoquent le possible lien avec la prise d’immunosuppresseur. En effet, les cancers infectieux représentent la moitié des cas signalés. « Les mécanismes sont multiples. Parmi eux, les anciennes classes de traitement antirejet diminuent les défenses en diminuant le rejet, explique le Pr Olivier Bastien. Cela favorise les infections mais aussi, à long terme, la possibilité que des cellules cancéreuses s’expriment sans être détruites. »
L’autre piste relève de la prise en charge : les patients transplantés seraient moins bien soignés, car les praticiens auraient peur de perdre le greffon avec un traitement trop agressif. Sur ce point, le Pr Olivier Bastien ne perçoit pas de problème en France. Un protocole strict est mis en place lors de l'inclusion dans un protocole de greffe : un dépistage est réalisé de manière quasi systématique. Si des polypes ou des facteurs de risque sont détectés, ils sont pris en charge.
« Quand on veut recevoir une greffe de cœur, on réalise une coloscopie pour vérifier si les gens ont des polypes, explique le Pr Bastien. Si c’est le cas, ils sont retirés avant la greffe. On réalise aussi une bronchoscopie pour recherche des facteurs favorisant le cancer du poumon. » De nouveaux immunosuppresseurs, de la classe mTOR, sont aussi disponibles. Ils ont la particularité d'être immunosuppresseurs et de limiter le développement du cancer.