« Mangez moins gras, moins sucré, moins salé. » Ce slogan est souvent avancé par l’industrie agro-alimentaire. Les messages sanitaires oublient souvent un élément tout aussi crucial : consommez plus de fibres. Une étude dans Nature vient de le démontrer – du moins chez la souris – : un régime trop pauvre en fibres affecte durablement l’équilibre des bactéries qui peuplent le gros intestin, le microbiote. Les conséquences se répercutent sur plusieurs générations.
Un effet en deux semaines
Deux groupes de souris, élevées en milieu stérile, ont servi à mener ces travaux. Leurs intestins ont été colonisés avec le microbiote d’un donneur humain. Mais la moitié d’entre elles a reçu un régime pauvre en fibres, l’autre moitié un régime riche. L’analyse de leur matière fécale a permis de mesurer l’évolution de ce traitement.
« En deux semaines, nous avons observé un changement radical, explique Justin Sonnenburg, co-auteur de la publication. Les intestins des souris soumises à un régime pauvre en graisses abritaient moins d’espèces bactériennes. » Plus de la moitié d’entre elles ont reculé de 75 %. Certaines ont même disparu.
Seule la transplantation fécale efficace
Ce mode alimentaire peut avoir des conséquences irréversibles. Après sept semaines, tous les animaux ont été replacés sous un régime riche en fibres. Au bout d’un mois, le microbiote a en partie retrouvé son équilibre d’origine. Mais un tiers des espèces bactériennes n’y sont jamais parvenu.
Ces effets s’observent sur plusieurs générations. A la quatrième génération de souris en laboratoire, le déclin était tel que les trois quarts des bactéries présentes chez les grands parents avaient disparu. Cette fois, retrouver une alimentation correcte ne fonctionne qu’à la marge : les deux tiers du microbiote restent détériorés de manière notable. Seule la solution la plus agressive se révèle efficace, la transplantation fécale.
15 grammes par jour
Cette étude porte sur des animaux, mais sa portée s’étend à l’être humain, dont les apports en fibres se sont raréfiés. A ce jour, 15 grammes sont consommés en moyenne par jour. C’est dix fois moins que les populations de chasseurs-cueilleurs. S’y ajoutent des caractéristiques inhérentes à la société moderne, que détaille Erica Sonnenburg, co-auteur de l’étude.
« De nombreux facteurs, comme l’utilisation massive d’antibiotiques, les césariennes plus fréquentes et le recul de l’allaitement, ont été avancées pour expliquer cet épuisement chez les populations industrialisées », développe-t-elle. Le risque, c’est que lorsque l’extinction des bactéries a atteint une population entière, les dégâts sont irréversibles.