La fumette saine, c’est possible. Dans le pays d’Europe le plus prohibitif en matière d’usage du cannabis, des experts médicaux affichent régulièrement leur soutien à une législation plus souple. Dernière sortie en date : celle du Professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière.
Le médecin, célèbre notamment pour ses prises de position en faveur de la e-cigarette, a tenu une conférence de presse ce matin, au cours de laquelle il a exposé ses propres recommandations pour limiter les risques liés au cannabis. Et alors qu’un jeune sur deux déclare en fumer, le constat du praticien est sans appel : « La France est vraiment le mauvais élève. Il y a un lien clair entre le type de législation et l’intensité de la consommation ! »
Privilégier les joints purs
De fait, la forte interdiction qui pèse sur le cannabis a généré la mise sur le marché en France de produits fortement dosés, coupés avec des substances toxiques. Pour contourner cette menace, Bertrand Dautzenberg conseille dans un premier temps aux usagers de privilégier l’herbe (la marijuana) à la résine (le haschisch), la première étant plus pure que le second.
Par ailleurs, pour réduire l’effet de dépendance, le pneumologue préconise de ne rouler que des joints sans tabac – soit avec de la marijuana, qui peut se consumer toute seule, soit en associant au haschisch (qui ne se consume pas) des plantes à fumer sans tabac. Ces dernières étaient vendues en pharmacies comme substitut nicotinique, avant leur interdiction il y a une dizaine d’années. Une liste de marques est disponible sur Internet.
Mais en réalité, le mieux serait encore de ne pas fumer le cannabis, mais bien de l’inhaler sous forme de vapeur. « Dans les Etats américains qui ont légalisé la marijuana, la vaporisation est devenue le premier mode de consommation chez les jeunes », souligne Bertrand Dautzenberg. En revanche, en l’absence de données fiables sur la toxicité des e-cigarettes à base de cannabinoïdes, le pneumologue ne suggère pas aux fumeurs de vapoter.
Légaliser pour faire baisser l'usage
L’idée peut sembler iconoclaste, et Bertrand Dautzenberg n’ignore pas la difficulté qu’il y a à prodiguer ces messages sans passer pour un dangereux soixante-huitard. « Pourtant, il ne s’agit que de pragmatisme, défend-il. L’Etat doit libéraliser l’accès aux feuilles de cannabis pour que les gens cessent de s’intoxiquer avec les substances qu’ils se procurent. Légaliser le cannabis n’aura pas pour effet d’augmenter la consommation ; au contraire, il s’agit de mieux contrôler pour, à terme, faire baisser l’usage ».
Ainsi, le médecin cite la Loi Evin, qui a permis d’encadrer les consommations d’alcool et de tabac. « Depuis cette loi, on constate une baisse de 50 % de vente de cigarettes par Français, et de 25 % pour l’alcool. En revanche, on constate une augmentation de 20 % de la vente de cannabis. La législation est totalement inadaptée, pas du tout pragmatique. Certains pensent que renforcer les punitions permet de faire baisser la consommation, mais cela ne fonctionne pas comme ça ».