C’est un accident « inédit », d’une « exceptionnelle gravité ». Alors que six personnes – dont une en état de mort cérébrale – ont été hospitalisées au CHU de Rennes après avoir participé à un essai clinique, le ministère de la Santé a tenu un point presse afin de clarifier certains éléments d’information.
Les six victimes sont des hommes âgés de 28 à 49 ans. Ils participaient à un essai clinique de phase 1 réalisé par le centre de recherche privé Biotrial, agréé par le ministère de la Santé et inspecté à deux reprises au cours de visites de routine menées par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).
128 volontaires inclus dans le protocole
Cet essai avait pour objectif de tester la tolérance et les caractéristiques d’une molécule ciblant le système endocannabinoïde, qui contrôle notamment la douleur. A terme, il s’agissait de mettre au point un médicament antalgique (antidouleur) pour traiter des troubles moteurs liés à des maladies neurodégénératives ainsi que des manifestations d’anxiété.
« Ce médicament ne contient pas de cannabis, ni de dérivé », a insisté Marisol Touraine, démentant une information relayée dans les médias au cours de la matinée. Selon le site Breizh info, la molécule en question porte le nom BIA 10-2474. Elle est développée par le laboratoire Bial, précise le ministère.
L’essai clinique a démarré le 9 juillet 2015 dans les locaux de Biotrial. La molécule avait été testée auparavant sur des animaux, dont des chimpanzés. Au total, 128 volontaires sains, hommes et femmes âgés de 18 à 55 ans, étaient inclus dans le protocole (qui avait été précédemment validé par les autorités sanitaires) ; 90 personnes se sont vu administrer cette molécule à des doses et fréquences variables, préise encore le ministère. Les autres ont reçu un placebo.
Les victimes sont les personnes ayant pris de manière répétée et à plus forte dose la molécule. Ce groupe a commencé à prendre le médicament le 7 janvier. « Les premiers symptômes sont apparus le 10 janvier sur une personne ; les cinq autres ont été hospitalisées progressivement ».
Un handicap irréversible à craindre pour 3 patients
L’équipe du CHU en charge de ces patients, présente à la conférence de presse organisée ce vendredi, a fourni quelques détails sur le tableau clinique des victimes, tout en ayant à cœur de respecter le secret médical qui s’impose. Les cinq personnes ont été admises en neurologie, avec des « manifestations neurologiques de même type et de gravité variable ». Leur état se serait rapidement aggravé dans les premiers jours - seul un ne présente pas de symptôme.
« A l’IRM, nous avons pu observer des lésions profondes dans le cerveau, de type nécrotique et hémorragique, a précisé le médecin-chef du pôle de neurosciences du CHU de Rennes, Gilles Edan. On peut craindre un handicap irréversible pour trois des cinq patients ». Cette molécule étant nouvelle, il n’existe pas de « traitement codifié ». « Nous essayons de contrôler la réaction inflammatoire avec des corticoïdes ».
Le mécanisme à l’origine de cette réaction reste pour le moment inconnu. Il peut s’agir d’une toxicité pure liée à la molécule, qui aurait agi au niveau du système nerveux central, ou bien encore d’une réaction immunologique.
L’essai clinique a été interrompu le 11 janvier. Indépendemment des procédures judiciaires, plusieurs enquêtes seront menées. L’ANSM procèdera ainsi à une inspection technique du site, afin de vérifier que les procédures règlementaires et les bonnes pratiques cliniques ont été respectées. L’IGAS a également été saisie.
Par ailleurs, l’Agence Régionale de Santé de Bretagne devra contacter toutes les autres personnes qui ont été exposées à la molécule au cours de l’essai, à de plus faibles doses. Elles drevront faire l’objet d’examens médicaux et d’un suivi spécifique. Un numéro de téléphone a été mis à leur disposition (02.99.28.24.47).