Même quand il n’est pas directement touché par des explosions, le cerveau des soldats peut subir des traumatismes dont les conséquences ne sont visibles qu’à long terme. Ces « traumatismes crâniens légers » (TBI) - c’est-à-dire une perte de conscience ou une confusion durant moins de 30 minutes - peuvent en effet entraîner des troubles neuro-dégénératifs comme des encéphalopathies traumatiques chroniques, ou même la maladie d’Alzheimer. Ces TBI sont la blessure la plus commune pour les vétérans de retour d’Irak ou d’Afghanistan.
Selon une étude parue le 13 janvier dans la revue Science Translational Medicine, un nombre cumulé d’explosions entraîne une alteration prononcé du cerveau des vétérans, en particulier du cervelet. Cette partie du cerveau joue un rôle important dans le contrôle moteur et, dans une moindre mesure, dans le langage ou encore l’attention.
Des études plus anciennes avaient déjà identifiées l’impact d’une onde de surpression provoquée par une explosion - ce que les scientifiques appellent l' « effet de souffle » - sur le cerveau. Mais personne n’avait jusqu’à présent déterminé quels sont les mécanismes en jeux. Des chercheurs de l’Université de Washington, à Seattle, ont donc examiné une cohorte de 33 vétérans ayant rapporté avoir vécu entre 1 et 102 effets de souffle durant leurs états de service, afin de déterminer si un plus grand nombre d’exposition à des explosions était associé avec des changements du métabolisme cérébral.
Des conditions reproduites sur des souris de laboratoire
Les chercheurs se sont focalisés sur le cervelet, dont la vulnérabilité aux explosions avait déjà été mise en évidence par le passé. Résultats : les chercheurs ont réussi à montrer une réduction du métabolisme des glucides dans le cervelet des vétérans ayant subi un nombre important d’explosions.
« Ce métabolisme du glucose reflète l’activité des cellules nerveuses. Notre imagerie montre que les cellules du cervelet des vétérans ne fonctionnent pas bien », explique ainsi Elaine Peskind, professeure de psychiatrie et de sciences du comportement à l’Université de Washington, et co-auteur de l’étude. Et tous ces changements d’activités métaboliques dans le cervelet ne sont pas liés à d’autres facteurs comme les stress post-traumatiques, la dépression ou l’alcool.
En reproduisant les conditions d’une explosion sur des souris de laboratoire, l’équipe a ensuite mis en évidence une petite fuite dans la barrière hémato-encéphalique, habituellement étanche aux microbes et au toxique et qui protège le cerveau. Les expériences mettent aussi en évidence une hausse de la concentration de plusieurs protéines. Des premiers résultats qui pourraient amener à mieux comprendre le rôle du cervelet dans les traumatismes crâniens légers.