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Santé publique

Le bilan de santé pour tous de la sécu est inefficace

Par Cécile Coumau

La  sécurité sociale propose tous les cinq ans un check-up à tous les assurés. Une étude démontre que les bilans de routine en population générale n'ont aucun impact sur la mortalité. La sécu a déjà amorcé un ciblage des populations à risque.

JAUBERT/SIPA
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Mieux vaut prévenir que guérir. L’adage ne date pas d’aujourd’hui mais il vient de prendre du plomb dans l’aile. Une large compilation d’études parue dans la « Cochrane Collaboration », incluant pas moins de 180 000 personnes, vient de démontrer que les bilans de santé systématiques n’auraient aucun impact sur la mortalité. Pire encore, ces check-up ne réduiraient pas non plus les complications, le taux d’hospitalisation, le nombre de consultations médicales ni même l’absentéisme au travail. Pourtant, ces bilans permettent bien de diagnostiquer des hypertensions, des hypercholestérolémies, et autres facteurs de risque.
Les auteurs de cette étude se demandent donc si les bilans de santé n’entraîneraient pas des surdiagnostics. Autrement dit, est-ce qu’ils ne conduiraient pas dépister des maladies qui auraient pu rester cachées ?

Les check-up sont-ils inutiles ? Au vu des résultats qui viennent d’être publiés, la question mérite d’être posée. Dès 1979, les autorités canadiennes ont recommandé d’en finir avec le bilan de santé annuel. Dix ans plus tard, les Etats-Unis s’engagent sur la même voix et préconisent de ne réaliser que des bilans ciblés, en se focalisant sur les facteurs de risque de chaque individu.
Bien sûr, le bilan de santé prescrit par un médecin pour son patient n'est pas remis en cause. Par exemple, l'utilité de faire un check-up cardiologique entre 40 et 50 ans à l'occasion de la reprise d'une activité physique se justifie pleinement. Mais, pour François Bourdillon, praticien hospitalier en santé publique à la Pitié-Salpêtrière (Paris) « le check-up systématique et identique pour tout le monde, ça n’a effectivement aucun sens. Même les bilans réalisés, en population générale, par la sécurité sociale n’ont jamais réellement démontré leur intérêt », déclare l’ancien président de la Société française de santé publique.
S’ils ont du mal à faire la preuve de leur efficacité, c’est tout d’abord parce que les personnes qui se rendent dans les centres d’examens de santé ne sont pas forcément les plus à risque. Elles se préoccupent bien souvent de leur santé et sont donc prises en charge par ailleurs. L’autre explication, « c’est sans doute que les médecins généralistes font bien leur boulot de prévention », estiment les auteurs de l’étude parue dans la Cochrane Collaboration.

En France, l’assurance maladie continue pourtant à proposer tous les cinq ans un examen de santé gratuit, à tous les assurés du régime général et aux membres de leur famille. Mais depuis la loi de 1945 et l’instauration de ces check-up, la sécu a fait évoluer le dispositif. Il comporte généralement des analyses de sang et d’urine, un examen respiratoire, des tests d’audition, de vision et un examen bucco-dentaire.
Mais « aujourd’hui, le bilan n’est pas le même à 20 ans, 40 ans ou 60 ans, insiste le Pr Philippe Amouyel, directeur d’une unité Inserm de santé publique. Certains centres d’examen se sont par exemple spécialisés sur les adolescents. » Un entretien personnalisé avec le médecin du CES est aussi réalisé. Il commente les résultats et pratique un examen clinique complet. Le mode de vie, les antécédents personnels et familiaux, la participation aux programmes de dépistage, le suivi des vaccinations sont aussi abordés. Et globalement, ce sont les bénéficiaires du RSA et de la CMU, les chômeurs et les personnes vulnérables qui sont les principaux bénéficiaires de ces bilans de santé.


Ecoutez le Pr François Bourdillon
, spécialiste de santé publique : "Des dépistages sensoriels chez les personnes âgées sont expérimentés. Il faut encore qu'ils démontrent leur efficacité avant de les développer".


Bien sûr, certaines personnes passent quand même au travers des mailles du filet, ce sont les insouciants chroniques ou ceux qui font la politique de l'autruche qui ne consultent jamais leur médecin traitant et qui ne répondent pas aux sollicitations de la sécurité sociale. Pour autant, Philippe Amouyel estime qu’ « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Même si ces bilans de santé ne font pas baisser la mortalité, ils permettent de diffuser des messages d’éducation à la santé. Cela peut aussi être un temps de prise de conscience de son état de santé. » En outre, ces bilans constituent un outil de santé publique, utile à la collectivité. Philippe Amouyel estime que les politiques devraient s’en saisir davantage pour établir des priorités.


Ecoutez le Pr Philippe Amouyel
, directeur d’une unité Inserm de santé publique : "Ces bilans doivent être des bras armés de la politique de prévention"


Cibler toujours plus ces chek-up, définir des populations très ciblées, adapter les examens en fonction de chaque individu, c’est aussi une nécessité économique. A l’heure des restrictions budgétaires, le coût de ces examens pour 50 millions de personnes est évident loin d’être négligeable. Et pour ceux qui n’auraient pas reçu de convocation mais voudraient bénéficier d’un check-up, il suffit de contacter sa caisse primaire d’assurance maladie. Un rendez-vous vous sera fixé dans le mois qui suit.