- 550 000 partent en cure thermale chaque année.
- L'Assurance Maladie prend en charge 65 % des soins thermaux. Le reste est à la charge du patient.
- 12 indications différentes sont remboursées.
- Une centaine d'études publiées évaluent le service médical rendu par la cure thermale. Le bénéfice reste à démontrer en dermatologie et dans les infections ORL récurrentes.
ENQUÊTE – Avec 550 000 curistes par an, le thermalisme est un secteur actif. Mais les preuves scientifiques de ses bienfaits ont mis du temps à arriver. Dans certaines indications, elles ne sont toujours pas solides. Enquête sur le bénéfice réel et l’intérêt économique de ces cures.
La cure thermale, des vacances aux frais de la Princesse ? Ce reproche est souvent émis à leur encontre, aux côtés d’une efficacité douteuse. Christian-François Roques, président du Comité scientifique de l’Association Française pour la Recherche Thermale (AFRETH) (1) s’en défend, études à l’appui. Comme pour corroborer ses propos, la fréquentation des stations augmente depuis plusieurs années. En 2015, 550 000 curistes se sont rassemblés dans les 105 établissements du pays, selon le Conseil national des établissements thermaux. Alors que le salon des Thermalies, qui rassemble les spécialistes du secteur, se tient au Carrousel du Louvre (Paris) du 21 au 24 janvier, Pourquoidocteur a enquêté sur ce secteur très rentable.
Une centaine d’études publiées
Certains médecins reprochent aux cures thermales le manque d’études scientifiques, un rapport coût-efficacité insuffisant, voire le problème des contaminations microbiennes favorisé par certaines eaux. Les opposants continuent de s’exprimer, mais une partie de la communauté médicale a adhéré à cette prise en charge. Les professionnels de santé n’hésitent plus autant à la prescrire. De leur côté, les patients y retournent régulièrement. En 2015, 10 millions de journées de soins ont ainsi été délivrées. Elles sont remboursées par l’Assurance maladie depuis 1947 (voir la suite de l'enquête).
« A une époque, on décrivait le thermalisme comme une vieille médecine », se souvient le Dr Laurent Grange, rhumatologue au CHU de Grenoble (Isère). La littérature scientifique tente aujourd’hui de démentir cette observation. Une centaine d’études sur les bienfaits des cures ont été publiées dans des revues internationales. Parmi elles, Thermarthrose a démontré l'intérêt de l'approche dans la gonarthrose ; Maâthermes et Prisme ont quant à elle mis en évidence une action positive contre le syndrome métabolique et le surpoids. L'AFRETH, créée en 2004, finance ces travaux français, avec pour objectif la validation scientifique du service médical rendu (SMR) de la prise en charge thermale. Les preuves formelles manquaient jusqu’alors dans de nombreuses indications.
« A l’heure actuelle, on dispose d’un certain nombre de preuves, souligne le Pr Christian-François Roques. On souhaiterait en obtenir davantage, plus solides, mais on ne peut plus dire qu’elles n’existent pas. » Des travaux plus solides sont bel et bien nécessaires : bon nombre d’études publiées laissent à désirer sur leur méthodologie, ce qui soulève le doute sur leurs conclusions.
4 indications principales
La rhumatologie est la discipline où le thermalisme a le vent en poupe. Les indications rhumatismales représentent les deux tiers des séjours. Et les effets rapportés par les patients semblent être durables. Dans la lombalgie, par exemple, ils persistent trois mois après la fin de la cure. Les bénéfices sont encore plus marqués chez les patients qui souffrent d’arthrose : douleur et capacités fonctionnelles sont améliorées pendant 6 à 9 mois.
« Dans les bonnes indications, comme les douleurs chroniques rebelles ou l’arthrose non opérable, il y a un réel intérêt pour le malade, rappelle le Pr Patrice Queneau, membre de l’Académie nationale de médecine. Après les cures thermales, de nombreux patients consultent moins le médecin et consomment moins de médicaments. » Ce rhumatologue est à la tête de la Commission Thermalisme et Eaux minérales de l’Académie, qui évalue les indications, les établissements et les eaux qu'ils utilisent.
Au vu des travaux publiés, il estime que le thermalisme a prouvé son efficacité dans 4 indications : la rhumatologie, la dermatologie, les soins ORL et la phlébologie. « Ailleurs c’est plus aléatoire, lâche-t-il. Il faudra d’autres études pour le confirmer. » L’Assurance Maladie rembourse pourtant 12 indications, dont les affections dermatologiques ou les infections ORL récurrentes, alors qu’une confirmation de leur impact est encore attendue.
Source : Commission de comptes de la Sécurité sociale (2008)
En fait, ce mode de prise en charge s’avère précieux, pour les patients et les médecins, lorsque les médicaments disponibles ne sont pas efficaces ou remboursés. « Le thermalisme comble un vide thérapeutique pour les malades chroniques. Quand les traitements sont efficaces et faciles d’accès, les patients ne vont pas en cure », résume Christian-François Roques.
Après un cancer
La recherche sur le thermalisme ne se limite pas aux indications « traditionnelles ». Elle tente aussi d’élargir le champ d’action du thermalisme. Dernière évolution en date : les soins après un cancer. Les cures pourraient ainsi améliorer le malaise psychologique, mais aussi les conséquences d’un traitement – comme les lésions cutanées que peut provoquer une radiothérapie ou le lymphœdème après un cancer du sein.
« Chez des femmes en rémission de formes graves du cancer du sein, un an après l’intervention, et après deux semaines de soins hydrothermaux, on a observé une meilleure qualité de vie, un poids mieux contrôlé, moins de détresse psychologique », explique Christian-François Roques. De quoi conclure que l’approche est coût-efficace, selon une étude de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
La part de l’eau et celle du soin
Pourtant la Haute Autorité de Santé (HAS) ne recommande pas le thermalisme dans la prise en charge des multiples affections indiquées. Elle se contente de signaler qu’il peut être utile dans la polyarthrite rhumatoïde – en dehors des périodes de poussée inflammatoire. « La littérature ne permet pas de savoir quelle est la part de l’effet de l’eau thermale et des différentes techniques utilisées dans les stations », reconnaît le Livre Blanc de la Rhumatologie, édité en 2015. C’est une interrogation à laquelle aucune publication n’apporte de réponse définitive. Un vide qui conforte les détracteurs évoquant un possible effet placebo… ou qui signalent les bienfaits d’un temps de relaxation.
L’efficacité de la cure thermale viendrait des eaux composées différemment. Mais aucune étude n’objective le phénomène. Et c'est bien tout le problème dans cette discipline, pratiquée depuis l'Antiquité : elle s'appuie souvent sur l'empirisme. A l'heure actuelle, médecins et patients exigent davantage.
(1) AFRETH : Association Française pour la Recherche Thermale. Cette association est composée de l’Association des maires de communes thermales, du Conseil national des Exploitants Thermaux et de la Fédération thermale et climatique de France. Elle finance de nombreux essais cliniques sur le thermalisme.