A Flint, dans le Michigan, l’une des villes les plus pauvres des Etats-Unis, boire de l’eau du robinet peut être fatal. Contaminée au plomb, l’eau est jaune et corrosive. Les habitants souffrent de vomissements, pertes de cheveux et de vertiges.
Cela fait un an et demi que les habitants de la ville consomment cette eau, cuisinent et se lavent avec. Des mois qu’ils s’empoisonnent. A l’origine de cette crise environnementale et sanitaire, la décision d’un contrôleur chargé de redresser les finances de la ville. Pour économiser des millions de dollars par an, il décide de ne plus s’approvisionner en eau à Détroit et choisit la rivière de la ville, réputée pour être « sale ».
Rapidement, les habitants ont alerté les pouvoirs publics. Ils ont même apporté des bouteilles remplies de cette eau qui les rend malade. Pour les convaincre que tout va bien, le maire de l'époque ira jusqu’à boire un verre d’eau jaune urine devant les médias.
Trois plus d'enfants intoxiqués
Pourtant, le problème est réel. Le plomb, un neurotoxique puissant, est retrouvé chez des enfants. Le Dr Mona Hanna-Attisha, pédiatre à l’hôpital public de la ville, a organisé une conférence en septembre dernier. Elle a comparé le taux de plomb chez ses patients avant et après le changement d’approvisionnement en eau. Résultat : le nombre d’enfants intoxiqués a doublé, voire triplé dans certains quartiers.
Interrogée par CNN, la spécialiste raconte qu’elle a été la cible d’attaques. Les autorités ont dénigré ses recherches et nié les conclusions durant des mois. Mais le Dr Hanna-Attisha n’était pas la seule à sonner l’alerte. Au même moment, des chercheurs de Virginia Tech ont montré que l’eau contenait un taux de plomb 900 fois plus élevé que le seuil admis. Accablé, Flint fait machine arrière en octobre dernier et s’approvisionne à nouveau au lac Huron.
Un racisme environnemental
Reste que les interrogations demeurent. Les conséquences pour la santé des enfants et les femmes enceintes, les personnes les plus vulnérables, sont inconnues. « Si j’étais en charge d’une famille là-bas, je serai hors de moi à l’idée que la santé de mes enfants puisse être en danger », a lancé le président Barack Obama en déclarant l’état d’urgence fédéral le 16 janvier.
Pour l’heure, les résidents de Flint reçoivent de l’eau en bouteille et des filtres. La garde nationale a même été dépêchée pour accélérer la distribution. Une mobilisation tardive qui n’efface rien. De Hilary Clinton à Michael Moore – réalisateur originaire de cette ville de 100 000 habitants -, les appels à la démission du gouverneur républicain Rick Snyder se multiplient. Tous l’accusent d’un « racisme environnemental » pour avoir mis en danger la santé d'une population majoritairement afro-américaine. Des actions collectives en justice ont également été engagées.
Des canalisations deux fois plus dangereuses
Une étude conduite durant 4 ans confirme que le remplacement partiel de tuyaux en plomb par des tuyaux de cuivre augmente considérablement le risque d’exposition au plomb. Cette pratique fréquente aux Etats-Unis est justement à l’origine de la situation désastreuse à Flint ou de la contamination de l’eau à Washington DC entre 2001 et 2004, rappellent les chercheurs canadiens.
Dans leurs travaux publiés dans le journal Environmental Engineering Science, ces spécialistes de l’environnement mettent en évidence que ce remplacement partiel aggrave le phénomène de corrosion et conduit à un rejet de plomb 2 fois plus important que des canalisations 100 % plomb. Les conséquences pour la santé seraient donc bien plus graves pour les habitants.
Les auteurs suggèrent ainsi que l’Agence américaine de la protection environnemental autorise uniquement le remplacement total du réseau. Si le remplacement partiel ne peut pas être évité, ils recommandent d’utiliser des tuyaux en plastique plutôt qu’en cuivre.