C’est une première. Des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences ont génétiquement modifié des singes afin qu’ils surexpriment un gène associé à l’autisme. Ces travaux publiés ce lundi dans la revue Nature proposent un nouveau modèle animal pour étudier les facteurs génétiques de l’autisme, et mener des études comportementales plus fiables que celles réalisées chez la souris.
Depuis des années, les chercheurs utilisent les rongeurs pour étudier l’impact d’une ou plusieurs mutations génétiques associées à l’autisme. Après avoir manipulé leur génome en modifiant, supprimant ou en dupliquant un gène, les scientifiques étudient leur comportement. Or, avec ces modèles animaux, les scientifiques sont limités car ils ne peuvent pas étudier les comportements complexes observés chez l’homme.
D’où la nécessité de créer des modèles de ces troubles chez des primates non-humains. « Jusqu’ici, aucune ne l'avait fait pour des raisons éthiques essentiellement, explique à Pourquoidocteur Stéphane Jamain, généticien et chercheur à l’Inserm (1), qui n'a pas participé à ces travaux. Les limites étaient aussi techniques. Nous savions créer des mutations chez les rongeurs car nous les étudions depuis des années, mais le passage chez d’autres modèles animaux était compliqué ». En France, seul un modèle singe de Parkinson a été étudié. Aux Etats-Unis et en Chine, les primates transgéniques permettent déjà d’étudier la maladie de Huntington.
Pour une meilleure compréhension de l'autisme
Pour créer leur modèle, les généticiens chinois ont intégré un grand nombre de copie du gène MECEP2 impliqué dans le syndrome de Rett, un trouble associé à l’autisme, dans des ovocytes de primates. Les embryons viables après cette opération ont ensuite été implantés chez des femelles. Au total, 8 singes sont nés en présentant la mutation de ce gène. Les chercheurs indiquent, en outre, que la descendance de ces singes a également présenté cette mutation.
« Nous les avons ensuite observé dans leur cage. Habituellement, ces singes sont très sociables, ils vont les uns vers les autres. Mais ici, les interactions sociales étaient très peu nombreuses », a raconté Zilong Qiu, l’auteur principal lors d’une conférence téléphonique. Les chercheurs ont également noté des gestes répétitifs chez des animaux. Tous ces comportements anormaux sont les symptômes caractéristiques de l’autisme.
« Grâce à ce modèle, on pourrait mener des tests de comportements plus subtils et plus complexes que ceux que l’on réalise chez les souris aujourd’hui, estime Stéphane Jamain. On peut donc imaginer que les études réalisées chez des primates seront plus fines. »
A terme, les scientifiques chinois espèrent pouvoir identifier l’anomalie cérébrale provoquée par cette mutation, notamment par imagerie cérébrale. Ils suggèrent également que ces singes pourraient permettre d'évaluer l’efficacité de certaines interventions comportementales, et traitements thérapeutiques avant de les appliquer à l’homme.
(1) IMRB - Inserm U955 Psychiatrie génétique (Equipe 15)