« Cette personne a fait un infarctus juste dans l’officine. Grâce à notre défibrillateur, mon assistante lui a fait un massage cardiaque jusqu’à l’arrivée du Samu 40 minutes après. Clairement, ça lui a sauvé la vie ». Si cet accident a convaincu Michelle Perraud, pharmacienne à Forges-les-eaux (76) de l’intérêt d’équiper les pharmacies d’un défibrillateur automatisé, ses confrères restent pour le moment assez frileux. Seules 12% des officines françaises auraient déjà franchi le pas, certaines équipées par leur groupement et d’autres par leur municipalité.
Installer un défibrillateur dans son officine oblige quasiment de fait le pharmacien à intervenir en cas d’arrêt cardiaque. « Si ce n’est pas une obligation légale, c’est en quelque sorte une responsabilité morale. Vous ne pouvez pas vous contenter de donner le défibrillateur », souligne Jean Occulti, pharmacien à Bondy (93) et formateur de premier secours. Or les pharmaciens, comme les Français dans leur ensemble, osent trop rarement faire les gestes qui sauvent. Outre la peur de mal faire, c’est la crainte d’être tenu pour responsable en cas d’échec qui peut faire hésiter ces professionnels de santé. Seuls les diplômés après 2007 ont obligatoirement été formés aux premiers secours. Il n’y a pourtant aucun risque à tenter d'agir même sans formation spécifique.
Ecoutez Jean Occulti, pharmacien à Bondy (93) et formateur de premier secours : « C’est l’inverse, c’est ne rien faire qui peut être reproché »
Il y a en effet urgence à intervenir en cas d’arrêt cardiaque. En France, le taux de survie ne dépasse pas 3%. Pourtant appeler le Samu et porter les gestes de premiers secours (massage cardiaque et usage d’un défibrillateur pour aider le cœur à reprendre un rythme normal) permettent de sauver la personne plus d’une fois sur trois.
Ecoutez Jean Occulti, pharmacien à Bondy (93) et formateur de premier secours : « Dans les 3 premières minutes, les chances de survie sont encore de 90% »
Dans l'Hexagone, la mort subite de l’adulte fait une victime toute les 10 minutes. On estime que 3 à 4000 vies pourraient être sauvées chaque année si les gestes de premiers secours étaient pratiqués. Le Conseil français de réanimation cardiopulmonaire a donc élaboré en 2008 des recommandations précisant les lieux où il serait judicieux d’implanter un défibrillateur automatisé. Il s’agit des lieux de passage très fréquentés comme les gares et les centres commerciaux, des lieux à risque de mort subite (stade, maison de retraite…) mais aussi des lieux accessibles aux secours en plus de 30 minutes. Dans ce cas, typiquement celui de la pharmacie de Forges-les-Eaux, seule la présence d’un défibrillateur laisse une chance à la personne victime d’un arrêt cardiaque.
Certains urgentistes vont encore plus loin. Mettre un défibrillateur dans chacune des 22 500 pharmacies de France permettrait vraiment de mailler tout le territoire. Une simplification qui pourrait être très utile dans ces moments où chaque minute compte.
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