En matière de drogues, chaque pays a sa vision, sa législation – et sa Mildeca. De l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, l’équivalent de cet organe interministériel est l'« Office of National Drug Control Policy » (Bureau de la Politique Nationale du Contrôle des Drogues). De 2009 à 2010, ce bureau, placé sous tutelle du président de la République, avait pour directeur adjoint Thomas McLellan, alors conseiller addiction de Barack Obama.
Nous avions rencontré ce Professeur de psychiatrie à Paris, lors du Congrès de l’Albatros, rendez-vous international de l’addictologie organisé par le CERTA (Centre d'Enseignement, de Recherche et de Traitement des Addictions), le 19 juin 2015. L'occasion de revenir sur la situation américaine, alors que plusieurs Etats américains ont sauté le pas de la légalisation du cannabis. L'occasion, également, de mesurer la prudence qui entoure la réflexion au niveau fédéral, à l'image de la France.
"Avons-nous besoin de nouvelles drogues ?"
Thomas McLellan a travaillé au sein de l'administration Obama à un moment crucial - en pleine réforme du système de santé (« Obamacare »). Il a insufflé une politique des drogues fondée sur une approche humaniste, pragmatique et scientifique – à mille lieues de la « War on Drugs » (guerre contre la drogue) qui a marqué les dernières décennies aux Etats-Unis, avec des résultats catastrophiques (incarcération massive des usagers ; défaillances de la prise en charge médico-sociale ; absence de prévention et d'intervention précoce…). C’est lui qui a fait en sorte que les troubles liés à l’usage de drogues fassent partie des dix éléments essentiels de la santé publique, et soient à ce titre remboursés par les compagnies d'assurance qui fonctionnent avec le Medicare.
Si comparaison n’est pas raison, certains parallélismes peuvent être faits entre les visions de Thomas McLellan et de Danièle Jourdain Menninger. Tous deux se sont donné pour mission de « changer les mentalités » de manière progressive et pédagogique, sans brusquer les esprits pour ne pas renforcer les positions idéologiques. Pour autant, les personnages émettent les mêmes réserves sur les politiques permissives.
« Je ne pense pas que la légalisation soit une bonne voie, confie Thomas McLellan. Toutes les drogues qui ont été légalisées dans le passé ont été surconsommées par la suite - alcool, cigarettes. Croyez-vous vraiment que les sociétés ont besoin qu'on leur fournisse des nouvelles drogues ? ». En revanche, son opinion sur la pénalisation de l'usage est très claire : « Je ne peux pas soutenir l’arrestation et l’incarcération de consommateurs, quelle que soit la substance. Je suis en faveur de la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues ».