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Réduction des risques

Cannabis : le Pr Bertrand Dautzenberg prône la légalisation

Par Julie Levallois

Bertrand Dautzenberg, pneumologue de renom, a expliqué au Congrès annuel de pneumologie, pourquoi il soutient la légalisation du cannabis.

Photofusion/REX/REX/SIPA

Après la proposition, l'examen. Le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), a suggéré que la législation sur le cannabis s'assouplisse. Sa position sera examinée par ses pairs lors du 20e congrès de pneumologie de langue française, qui se tient à Lille (Nord) du 29 au 31 janvier. Il défend une stratégie de réduction des risques et n'hésite pas à établir un parallèle entre la consommation de cannabis actuelle et celle d'alcool frelaté sous la Prohibition. Il estime que légaliser le cannabis permettrait de contrôler la qualité et la teneur en THC des produits consommés.  « Je suis contre le cannabis comme je suis contre le tabac, souligne le pneumologue dans les colonnes du Parisien. Je ne suis pas davantage pour le cannabis vaporisé en tant que tel, mais cela permet de sortir de quelque chose d'encore plus dangereux ».

Ce constat est assez récent pour le porte-drapeau de la cigarette électronique. Le 15 janvier, le Pr Dautzenberg a tenu une conférence de presse dans laquelle il émettait des recommandations afin de limiter les risques liés à la fumette. A l'heure où un jeune sur deux consomme du cannabis, le constat est clair : « La France est vraiment le mauvais élève. Il y a un lien clair entre le type de législation et l’intensité de la consommation ! »

Marijuana plutôt que haschich

L'interdiction qui pèse sur le cannabis a généré la mise sur le marché en France de produits fortement dosés, coupés avec des substances toxiques. Pour contourner cette menace, Bertrand Dautzenberg conseille aux usagers de privilégier l’herbe (la marijuana) à la résine (le haschisch). La première est plus pure que la seconde. Dans l'optique de réduire l'effet de dépendance, le spécialiste  préconise de ne rouler que des joints sans tabac – soit avec de la marijuana qui peut se consumer toute seule, soit en associant au haschisch (qui ne se consume pas) à des plantes à fumer sans tabac. Mais elles ont été interdites en France il y a une dizaine d'années.

Le mieux serait encore de ne pas fumer le cannabis, mais de l’inhaler sous forme de vapeur. « Dans les Etats américains qui ont légalisé la marijuana, la vaporisation est devenue le premier mode de consommation chez les jeunes », soulignait le Pr  Dautzenberg, contacté par Pourquoidocteur. L'assouplissement de la législation n'aurait pas augmenté les accidents de la route ou la consommation globale. Mais le pneumologue n'oublie pas la sécurité : en l’absence de données fiables sur la toxicité des e-cigarettes à base de cannabinoïdes, il ne suggère pas aux fumeurs de vapoter.

Pragmatisme

L’idée peut sembler iconoclaste, et Bertrand Dautzenberg n’ignore pas la difficulté qu’il y a à prodiguer ces messages sans passer pour un dangereux soixante-huitard. « Pourtant, il ne s’agit que de pragmatisme, se défend-il. L’Etat doit libéraliser l’accès aux feuilles de cannabis pour que les gens cessent de s’intoxiquer avec les substances qu’ils se procurent. Légaliser le cannabis n’aura pas pour effet d’augmenter la consommation; au contraire, il s’agit de mieux contrôler pour, à terme, faire baisser l’usage ».

Ainsi, le médecin cite la Loi Evin, qui a permis d’encadrer les consommations d’alcool et de tabac. « Depuis cette loi, on constate une baisse de 50 % de vente de cigarettes par Français, et de 25 % pour l’alcool. En revanche, on constate une augmentation de 20 % de la vente de cannabis. La législation est totalement inadaptée, pas du tout pragmatique. Certains pensent que renforcer les punitions permet de faire baisser la consommation, mais cela ne fonctionne pas comme ça ».