L’Académie nationale de médecine est en désaccord avec la ministre de la Santé, et elle le fait savoir. Les académiciens, réunis ce 2 février pour une journée thématique sur la vaccination, en ont profité pour discuter les pistes de rénovation de la politique vaccinale annoncées par Marisol Touraine. S’ils soutiennent l’idée d’une consultation nationale, des réserves sont émises quant à l’intérêt de lever le régime obligatoire. Ces médecins se positionnent en faveur d’un changement de terminologie.
Le plan d’action, présenté le 12 janvier par Marisol Touraine, ne suscite pas une adhésion unanime à l’Académie. La ministre de la Santé a annoncé l’organisation d’une consultation nationale dont les conclusions seront mises à profit en décembre 2016. « Il était opportun d’organiser un débat national, et nous espérons que cette concertation fonctionnera bien. Mais qui dit concertation dit contestation, tempère le Pr Pierre Bégué, président de l’Académie nationale de médecine. Nous ne souhaitons pas que la vaccination, ou son exigibilité, soit remise en question. »
Un système moins lourd
Le régime obligatoire est au cœur de la méfiance des académiciens. La levée ne serait pas la solution, estiment-ils. En effet, un système uniquement recommandé pousserait les usagers à croire que les vaccins ne sont que facultatifs, et remettrait implicitement en question l’intérêt de ce geste préventif. Pierre Bégué soutient donc une nouvelle terminologie concernant les vaccins : il suggère que les vaccins ajoutés à la liste soient « exigibles ».
Ce terme n’est pas choisi au hasard : il ouvre la voie à une législation moins lourde. Élargir la liste des vaccins obligatoires suppose un changement du code de la santé publique. « L’exigibilité relèverait du décret », précise Pierre Bégué. Cette approche présente aussi l’avantage de lever l’ambiguïté du « recommandé » : l’exigibilité se rapproche du système britannique, où les vaccins sont indispensables (mandatory).
Moderniser l'information
« La population considère que les vaccins recommandés sont facultatifs, souligne Pierre Bégué. Dans une population qui n’est pas éduquée de façon homogène, on ne peut pas préconiser une vaccination recommandée qui sera mal appliquée. » C’est également ce que craint Sandrine Hurel, chargée d’évaluer la politique française. Elle préconise dans son rapport que la population soit éduquée au préalable.
Sur ce point, académiciens et ministère trouvent un terrain d’entente. Le site dédié à la vaccination, qui sera lancé par la future Agence nationale de santé publique en avril, est accueilli bras ouverts. Mais comme le souligne Pierre Bégué, « les experts ne sont plus capables à eux seuls de convaincre : on ne les écoute plus vraiment. » L’information doit donc évoluer et atteindre les 20 % d’hésitants.
Convaincre les médecins
L'action est d'autant plus cruciale que les opposants à la vaccination sont très actifs sur les réseaux sociaux et Internet. Face à eux, la communication du gouvernement se fait rare. L’Académie de médecine réclame donc un effort sur le plan de la pédagogie – et ce dès l’école. « Depuis 20 ans, toute une fraction de parents affirme vouloir réfléchir. Ils vont sur Internet, ce qui peut augmenter leur hésitation. Le problème est sociétal », tranche Pierre Bégué.
Ce déséquilibre n'affecte pas seulement la population générale. Les médecins eux-mêmes sont en proie au doute. « L’éducation et l’information doivent être développés. S’ils en bénéficient, les 8 % de médecins hésitants ne seront probablement plus que 2 % », estime le président de l’Académie nationale de médecine.
La ministre de la Santé a pris conscience de ce problème : elle a annoncé le lancement prochain d’une lettre d’information périodique à destination des professionnels de santé.